Par Evens Dubois.
L’histoire de la Communaute noire americaine et celle d’Haïti semblent éloignées ne sont pas les memes quelque part, elles se rejoignent dans une même logique : celle d’une liberté reconnue en théorie mais constamment bridée dans la pratique. Aux États‑Unis, après l’abolition de l’esclavage,18 Decembre 1865, les lois Jim Crow ont enfermé les Noirs dans une citoyenneté de seconde zone. En Haïti, après l’indépendance de 1804, la première république noire du monde a été punie par une dette imposée et par des occupations étrangères. Dans les deux cas, il s’agit d’une punition pour avoir osé défier l’ordre mondial fondé sur la suprématie blanche. Comprendre Jim Crow et son héritage, depuis l’affaire Dred Scott jusqu’aux droits civiques, permet de mieux saisir comment Haïti a été traité comme un « Jim Crow externe », un laboratoire de discipline et de marginalisation à l’échelle internationale.
Après l’abolition de l’esclavage en 1865, les Afro‑Américains espéraient pouvoir enfin vivre libres et égaux, mais très vite,ils ont du dechanter. Les États du Sud adoptèrent des lois pour limiter leurs droits. Déjà en 1857, l’affaire Dred Scott v. Sandford avait marqué un tournant dramatique : la Cour suprême déclara que les Noirs, libres ou esclaves, ne pouvaient pas être citoyens des États‑Unis. Ce jugement légitimait l’exclusion et préparait le terrain à la ségrégation. Après la guerre de Sécession, les « Black Codes » puis les lois Jim Crow imposèrent une ségrégation stricte : écoles séparées, transports séparés, restaurants et hôpitaux séparés. En 1896, la Cour suprême valida cette ségrégation avec la formule « séparés mais égaux », mais en réalité les services destinés aux Noirs americains étaient toujours inférieurs.
La vie quotidienne sous Jim Crow était marquée par des humiliations constantes.Il ne pouvaient pas voter librement car on leur imposait des taxes, des tests de lecture ou des menaces. Ils étaient exclus des emplois qualifiés et cantonnés aux travaux agricoles ou domestiques. La justice fonctionnait à deux vitesses : les arrestations arbitraires et le travail forcé des prisonniers noirs prolongeaient l’exploitation. Et la violence était omniprésente . Entre 1882 et 1968, plus de 4 700 personnes furent lynchées aux États‑Unis et près de 3 500 d’entre elles étaient afro‑américaines, ce qui montre que la violence raciale était un outil central pour maintenir la suprématie blanche. Ces lynchages n’étaient pas seulement des crimes isolés mais des actes collectifs souvent publics qui servaient à intimider toute une communauté et à empêcher les Noirs de revendiquer leurs droits civiques. Le Ku Klux Klan, né en 1865 à Pulaski dans le Tennessee, fondé par d’anciens soldats confédérés, devint rapidement l’organisation la plus emblématique de cette terreur car il utilisait menaces, agressions et meurtres pour dissuader les Afro‑Américains de voter ou de s’émanciper. Le Klan s’est répandu dans le Sud et a connu plusieurs renaissances, notamment dans les années 1920 où il comptait des millions de membres, et il a contribué à installer un climat de peur qui renforçait les lois Jim Crow. Ainsi, la ségrégation légale et la violence extrajudiciaire fonctionnaient ensemble : les lois limitaient les droits et la terreur rappelait brutalement les conséquences de toute contestation. Ce système a marqué durablement la société américaine car il a laissé des cicatrices profondes dans la mémoire collective et il a contribué à des inégalités persistantes en matière de justice, de richesse et de citoyenneté.Ces actes de terreur raciale servaient à maintenir la suprématie blanche. Ce système dura près d’un siècle, jusqu’aux années 1960. Les grandes lois des droits civiques, comme le Civil Rights Act de 1964 et le Voting Rights Act de 1965, mirent fin officiellement à Jim Crow, mais ses effets se prolongent encore aujourd’hui. Les familles noires ont accumulé beaucoup moins de richesse que les familles blanches, les inégalités scolaires persistent, la ségrégation urbaine et le refus de crédit ont laissé des traces, et la sur‑incarcération des Afro‑Américains est en partie héritée de ces pratiques.
Vers un Chaos controle....
Si l’on prolonge cette réflexion vers sur Haiti Cherie, on retrouve une logique comparable, mais à l’échelle internationale. Haïti, première république noire indépendante en 1804, a été immédiatement puni pour son audace. En 1825, la France lui impose une dette colossale pour « dédommager » les anciens colons, ce qui saigne son économie pendant plus d’un siècle. Plus tard, entre 1915 et 1934, les États‑Unis occupent Haïti.Pendant la guerre froide, Haïti est vu comme une pièce stratégique. Sa proximité avec Cuba inquiète Washington. Les États-Unis tolèrent la dictature des Duvalier, car elle garantit que le pays reste dans le camp occidental. Mieux vaut un régime autoritaire mais fidèle qu’un gouvernement instable qui pourrait se rapprocher de Moscou. Cette tolérance renforce la corruption et la dépendance.En 1986, la chute de la dictature ouvre une période de transition. Le 29 novembre 1987, Haïti organise ses premières élections libres. Mais le scrutin est marqué par un massacre : des dizaines d’électeurs sont tués. Les États-Unis ne soutiennent pas fermement le processus et laissent l’élection échouer. Le message est clair : Haïti ne peut pas mener seul une expérience démocratique.Après le coup d'etat contre le president Aristide en 2004,Haïti entre dans une nouvelle phase de tutelle internationale avec la MINUSTAH, mission de l’ONU dominée par l’influence américaine. Les élections sont encadrées, les financements conditionnés, et les décisions passent par l’ambassade américaine. Michel Martelly, chanteur sans expérience politique, est imposé comme président en 2011 malgré les contestations. Jovenel Moïse, peu connu, est imposé en 2017 a la tete du pays apres une faible participation et des fraudes massives. Ces présidents fantoches ont ete choisis pour leur docilité.Comme Jim Crow limitait la citoyenneté des Afro‑Américains, Haïti a été assigné à une souveraineté « conditionnelle » : officiellement libre, mais constamment encadré par des tutelles, des sanctions et des conditionnalités.Mais l’ingérence ne se limite pas à la politique. Elle touche aussi l’économie. Dans les années 1980, les États-Unis imposent la destruction du cheptel porcin haïtien, sous prétexte de maladie. Les paysans perdent leur principale source d’épargne et de survie. Les porcs importés pour les remplacer sont inadaptés. Dans les années 1990, les programmes du FMI et de la Banque mondiale imposent la privatisation des entreprises publiques et l’ouverture totale du marché. Résultat : l’agriculture locale est détruite, Haïti dépend des importations, et la pauvreté s’aggrave.
L’exemple le plus frappant est celui du riz. Les importations massives de riz américain, subventionné par Washington, écrasent la production nationale. Les paysans abandonnent leurs terres. En 2010, Bill Clinton, devenu envoyé spécial de l’ONU pour Haïti, reconnaît publiquement devant le Congrès américain que cette politique a été une erreur. Il admet que l’ouverture du marché haïtien au riz américain a détruit les paysans locaux. Cet aveu montre que les politiques imposées ne visaient pas à renforcer Haïti, mais à écouler les surplus agricoles américains.
Haïti est aussi frappé régulièrement par des catastrophes naturelles : cyclones, inondations, tremblements de terre. Mais l’absence de structures solides et la dépendance aux ONG étrangères transforment ces catastrophes en crises prolongées. Le séisme de 2010 dévaste Port-au-Prince et provoque une mobilisation internationale. Les États-Unis jouent un rôle central dans l’aide humanitaire. Mais cette aide renforce la dépendance : les ONG américaines dominent le terrain, les fonds transitent par des agences américaines, et les décisions politiques sont influencées par Washington. La proximité géographique explique cette implication, mais elle renforce aussi cette tutelle.
Ainsi, en reliant ces épisodes, on voit une cohérence : les politiques économiques du FMI et de la Banque mondiale, les coups d’État contre Aristide, l’imposition de présidents fantoches et la gestion des catastrophes naturelles s’inscrivent dans une logique de domination. Haïti est maintenu dans une fragilité chronique pour servir de contre-exemple. La logique est raciale : Haïti, malgré sa victoire contre l’esclavagisme, est présenté comme incapable de se gouverner seul. Ce message sert aussi aux États-Unis : montrer aux Afro-Américains que l’autonomie politique noire conduit au chaos. Haïti devient un outil de dissuasion symbolique qui incarne la peur de l’exemple noir : son existence même contredit l’idée que l’égalité raciale est impossible. Les discours sur son « chaos » ou son « incapacité » servent à justifier une tutelle permanente, comme les lois Jim Crow justifiaient la ségrégation. Dans les deux cas, il s’agit de contenir la contagion de l’égalité réelle et de limiter la puissance des populations noires.Cette logique du Jim Crow s'applique a Haiti.Les Afro‑Américains étaient maintenus dans des emplois sous‑payés et privés d’accès au crédit.A l’échelle internationale, on a subi une version similaire : accès restreint au capital, commerce extérieur défavorable, dépendance aux importations et externalisation de la valeur ajoutée. Le pays est autorisé à survivre, mais empêché de prospérer.
Ainsi, dire qu’Haïti est le « Jim Crow externe » des États‑Unis, c’est montrer que les mêmes logiques de punition et de subordination ont été appliquées à l’intérieur et à l’extérieur. Jim Crow bridait la citoyenneté des Noirs americains, et Haïti a vu sa souveraineté bridée par des mécanismes internationaux. Dans les deux cas, la liberté était reconnue en théorie mais refusée en pratique. Haïti n’est pas une anomalie : il est un miroir d'un systeme qui refuse de le laisser prendre son destin en main. Reconnaître cette réalité est essentiel pour rompre le cycle de dépendance et creer une autre alternative pour le pays.
Evens Dubois
Brooklyn,NY
12/7/25
Sources:
Pierre‑Charles, G. (1987). Haïti: économie et société. Port‑au‑Prince: Éditions de l’Université d’État d’Haïti.
Le Monde. (2022, 20 mai). La dette imposée à Haïti par la France, une punition économique.
New York Times. (2022, 20 mai). The Ransom: How Haiti was forced to pay for its freedom.
Encyclopaedia Britannica. (2025). Jim Crow Laws: Causes and Effects.
National Geographic Education. (2025). The Black Codes and Jim Crow Laws.
- Log in to post comments


