PubGazetteHaiti202005

Quid de la révision de la Constitution de 1987 ?  

Jean Alix Prophète


 
Par Jean Alix Prophète 

 

 

De mémoire pas si lointaine le peuple haïtien a vécu, croyait-on, l’une des dictatures les plus féroces, celle des Duvalier. Si on prend le temps de visiter les dictatures parallèles de l’époque, à savoir la dynastie des Somoza au Nicaragua de 1936 à 1979, dont le dernier fils, Anastasio Somoza Debayle a été renversé et tué ! Plus près de nous à Cuba, Fulgencio Batista de 1952 à 1959, renversé suite à la révolution Castriste ; la dynastie des Chah d’Iran de Septembre 1941 à Février 1979 dont le dernier, Mohamed Reza Pahlavi a dû gagner l’exil avant d’être chassé du pouvoir. Enfin la dynastie de Augusto Pinochet de 1973 à 1990 au Chili.

 

Ainsi, à la chute des Duvalier, le peuple haïtien a accueilli avec une joie messianique, l’adoption de la constitution de 1987 qui a été conçue dans le but d’affaiblir le régime présidentiel où pratiquement tous les pouvoirs étaient concentrés entre les mains du président. Les pouvoirs judiciaires et législatifs étaient du coup de simples pouvoirs figuratifs jouant les rôles de proxys de ce dernier avec pour pilote exclusif son chef suprême, en l’occurrence le président à vie, Jean-Claude Duvalier, le dernier de la dynastie qui a duré du 22 Octobre 1957 à Février 1986.
Après consultations auprès des secteurs vifs de la nation, les constituants ont crû adopter une charte fondamentale qui aurait la vertu de pallier ce déséquilibre dysfonctionnel qui a bâtardisé le pays, l’a plongé dans un marasme économique sans précédent, l’a enlisé dans un sous-développement chronique et a dérobé la promesse d’un avenir prometteur à toute cettejeunesse. Ils se sont rassurés que les trois pouvoirs joueraient leurs rôles effectifs en toute indépendance, suivant les principes « checks and balances » des grandes démocraties ayant déjà fait leurs preuves de réussite sur l’échiquier mondial. Cette nouvelle loi mère a pratiquement édenté le président, lui accordant presque seulement un pouvoir de suzeraineté et a transféré la machine gouvernementale à deux protagonistes dont le premier, l’exécutif avec son premier ministre qui en assurerait le fonctionnement harmonieux et le second, la chambre législative avec ses députés et sénateurs, comme chiens de garde visant à exiger la négation de tout dérive gouvernemental et se chargerait des règlements de comptes de l’action gouvernementale.

En effet, les constituants étaient bien intentionnés. Ils ont voulu résoudre un problème qui a perduré depuis plusieurs décennies, mais c’était vraiment mal connaître l’homme haïtien, sa malice et son individualisme. Le binôme parlement-exécutif a engendré depuis sa mise en application l’un des plus grands gâchis administratifs que ce pays ait jamais connus. Les députés et sénateurs ont voulu s’emparer d’autres privilèges que ceux garantis par leur statut de législateurs. Ils se sont plongés dans des compromissions de corruption sans précédent. Ils ont exigé et réclamé des postes administratifs dans tous les échelons du gouvernement. C’était la concrétisation sans failles de notre dicton vernaculaire « Bay chat veye bè ». Jamais l’avarisme, l’individualisme et l’égoïsme de si peu ont compromis l’avenir d’autant de résilientes et de braves gens ayant survécu à la dictature Duvaliérienne, en quête d’un mieux-être pour leur futur et celui de leurs progénitures jusque-là chancelant.

Il y a un débat sur l’opportunité de l’amendement de la constitution qui divise les opinions en deux camps.  D’une part, il y a ceux-là qui veulent un amendement dans une période transitionnelle, expressément en l’absence des deux chambres, c’était la position du professeur émérite et bâtonnier de l’ordre des avocats, notre très regretté, feu Me Dorval, tombé sous les balles assassines des forces obscures ; et d’autre part ceux-là qui exigent un amendement suivant les prescrits de la constitution du 29 mars 1987 (position soutenue et réitérée par le professeur D’Mezza, notre bien-aimé et vénéré Gougousse national lors de son intervention dans l’émission Le Rendez-vous avec Volcy Assad de Gazette Haïti le jeudi 9 octobre 2025) qui stipule dans ses articles  282 et 282-1, que tout amendement constitutionnel exigeait les conditions que voici: 

Article 282 : Le pouvoir législatif sur la proposition de l’une des deux (2) chambres ou du pouvoir exécutif a le droit de déclarer qu’il y a lieu d’amender la constitution, avec motifs à l’appui; 

Article 282-1 : Cette déclaration doit réunir l’adhésion des 2/3 de chacune des deux chambres. Elle ne peut être faite qu’au cours de la dernière session ordinaire.

Pour ma part, la deuxième option serait le plus grand tort qu’on pourrait infliger à cette république déjà en chute libre, ayant déjà perdu toutes ses institutions, où tout s’apparente déjà à une savane de l’arrière-pays quasiment dépourvue de toutes ses structures administratives. L’état de délabrement dans lequel ce pays se trouve actuellement est une construction avec pour maître d’œuvre l’entente maléfique des récentes législatures et des gouvernements s’en étant fusionnés en axe du mal, truffé de bandits terroristes, qui a traîné notre île dans cette boue abjecte, où nous avons dû tourner le dos à la nature, où même nos plages nous sont devenues interdites.

Les parlementaires, à quelques exceptions près, plus que les gouvernements passés sont responsables de nos malheurs, de cette catastrophe constatée en filigrane sous nos yeux cette dernière décennie. Leur travail était de veiller au bon fonctionnement du gouvernement et non de se mettre de connivence, prétextant fallacieuse responsabilité partagée, pour piller les derniers deniers de l’état.
Réviser ou amender la Constitution pendant la période de transition n’est pas une option. C’est une nécessité. C’est un impératif. La dernière caravane à chevaucher si l’on veut accorder une chance à ce pays. Nous ne pouvons nous permettre de retourner nous vautrer dans ce fiasco administratif, qui nous a emmenés à ce carrefour navrant. 

 

Comment après tout ce que la 44eme et 45eme législature ont fait à cette république, pourrait-t-on leur demander d’être les artisans d’amendements constitutionnels? 

Comment pourrait-on espérer qu’il réduirait leurs privilèges au profit de la bonne gouvernance, au profit de la nation ?

Le pays a besoin de ses vrais fils légitimes, de ses patriotes pour s’atteler à cette tâche combien lourde, combien minutieuse. 

Je souhaite que l’on retourne à un régime présidentiel avec un président et un vice-président responsables de leurs actes, passibles devant la justice pour corruptions et malversations. 

Je souhaite un système fédéré avec des gouverneurs élus comme les USA, passibles devant la justice, responsables devant leurs constituants. Pour moi c’est la seule façon d’atteindre la décentralisation discutée ici et là qui n’a jamais abouti à grand-chose. Dieumérite Pierre-Louis a proposé un projet de constitution qui met l’accent sur cet aspect. Peut-être qu’on devrait y jeter un coup d’œil. La Constitution de La refondation d’Haiti, avec pour champion l’ex ministre de la justice et professeur Me. Henri Marge Dorléans, dégage aussi des idées intéressantes qui méritent notre attention. 

Aux responsables de l’état, de grâce, n’entraînez pas notre Haïti chérie, tête baissée dans des élections sans lendemain sans réviser la loi mère.

A mon humble avis, l’assemblée constituante s’est trompée de bonne foi en passant d’un régime présidentiel à un régime parlementaire. C’est mal comprendre le sacramentel, l’attachement et la vénération de ce peuple à un président plein-pouvoir, même Dieu l’a compris. Le peuple d’Israël a exigé un roi au lieu des juges qui présidaient sur ses douze (12) tribus. C’est ainsi que Dieu a jeté son dévolu sur Saul, leur premier roi, qui sera ensuite remplacé par David de plus grande notoriété. Cette constitution est pour moi désormais vétuste et ne comble pas les aspirations du peuple haïtien. Elle est une source de malheur et d’atrophie de la croissance économique. Elle a sans se rendre compte transféré l’accès aux privilèges du président de la république et de son cercle à celui de près de cent cinquante parlementaires et de leur cercle ajouté à celui du premier ministre. Qu’est-ce qu’il en reste pour le pays ? Comme l’a si bien martelé, Me. Dorval de son vivant, Il faut absolument changer cette constitution.
 

 

 

Jean Alix Prophète
Diplomé de University of Memphis
International Business Management
Citoyen concerné
22 octobre 2025

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