Alors que l’Administration générale des douanes (AGD) se félicitait, il y a quelques jours, d’avoir collecté plus de 11,5 milliards de gourdes en juillet 2025, un record selon l’article publié le 4 août par le journaliste Jean Junior Célestin dans les colonnes du quotidien Le Nouvelliste, un spécialiste en administration financière apporte un regard radicalement différent sur cette prétendue « performance remarquable ».
Dans une lettre ouverte parue ce mercredi 13 août adressée directement au journaliste Jean Junior Célestin, Michelson Nelson, licencié en droit, spécialiste en administration financière et titulaire d’un Master 2 en économie internationale à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, appelle à « plus de prudence » dans le reportage des résultats douaniers.
« Votre métier de journaliste exige une certaine rigueur dans la publication d’informations car il y a une différence entre le journalisme qui vise à informer le public d’une actualité et la communication qui fait la promotion d’un service, d’un produit ou d’une personne », écrit-il, invitant le journaliste à confronter les données de l’AGD à celles d’autres sources, comme la Banque de la République d’Haïti (BRH) ou la Direction du budget du MEF.
Pour Michelson Nelson, réduire l’évaluation d’une administration douanière à ses recettes est trompeur. Ces montants, explique-t-il, sont fortement conditionnés par des facteurs extérieurs. Il cite, sans plus d’explications, la dépréciation continue de la gourde, les hausses des taux de taxation prévues dans les lois de finances, l’augmentation des prix internationaux des produits et du transport, la réduction des franchises douanières après le scandale de l’Église épiscopale d’Haïti et la fin des subventions sur les importations pétrolières en 2022.
Selon lui, « la performance douanière ne se limite pas au recouvrement des recettes » mais doit aussi être jugée à l’aune de la facilitation des échanges, de la lutte contre la fraude et de la protection de la société.
Le spécialiste rappelle qu’après la mort tragique de quatre agents douaniers à Malpasse, en novembre 2018, les brigades de surveillance douanière ont été démantelées, laissant le territoire plus vulnérable aux trafics.
« Au lieu de renforcer ces brigades qui luttaient
contre la contrebande et d’autres trafics illicites à travers tout le pays, les autorités de
l’époque, influencées par de puissants politiciens liés au réseau de contrebandiers, ont
procédé à la démobilisation des dites brigades », déplore-t-il.
Selon Nelson, l’augmentation des recettes douanières observée depuis 2022 ne résulte pas d’une gestion plus efficace, mais plutôt des techniques de taxation « exorbitantes et mafieuses » mises en place pour maintenir un niveau élevé de rentrées et assurer des ressources destinées à « soudoyer les politiciens corrompus ».
Il évoque également les enquêtes menées par l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) sous l’administration de Romel Bell, qui ont contraint certains acteurs économiques à régulariser leur situation.
« Peut-on parler de “performance remarquable” quand les bureaux de douane de Port-au-Prince et de province ne sont pas fonctionnels, laissant libre champ à toutes sortes de trafic illégal et permettant ainsi l’approvisionnement des gangs en armes, munitions et stupéfiants ? », se demande Nelson.
Le spécialiste cite également le non-respect du nouveau code douanier, les dénonciations régulières des usagers, les appels de la Conférence épiscopale haïtienne à contrôler strictement les frontières, ainsi que les constats du FMI sur la lenteur de la reprise des recettes fiscales essentielles au développement.
Dans l’article du quotidien Le Nouvelliste, il est mentionné que “11,589,169,291.55 gourdes, est le montant total des recettes de la douane haïtienne pour le mois de juillet 2025, d’après les données du tableau comparatif des recettes et prévisions douanières”.
Par: Daniel Zéphyr
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