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HOPE/HELP ne garantit pas le développement économique d’Haïti, selon l’économiste Eddy Labossière

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Dans un entretien exclusif accordé à Gazette Haiti News, ce jeudi 2 octobre 2025, l’économiste Eddy Labossière a analysé la situation économique d’Haïti et les obstacles structurels qui freinent son développement. Selon lui, le pays souffre d’une gouvernance déficiente à tous les niveaux et d’une industrie sous-exploitée, alors que le secteur textile et la production locale pourraient représenter de véritables leviers de croissance et de création d’emplois. Labossière précise néanmoins que « HOPE/HELP n’a pas été un levier significatif pour notre économie. Malgré cette loi, de nombreux emplois risquent de disparaître et le tissu industriel du pays continuerait à en souffrir gravement ».


Lors de son entretien, le Dr Eddy Labossière a souligné qu’il est impossible de développer un pays uniquement grâce à la loi HOPE/HELP et que sa non-reconduction ne constitue pas un obstacle majeur en soi. Selon lui, le véritable frein au développement d’Haïti réside dans l’absence d’une gouvernance solide. « Dans ce pays, tous les niveaux de gouvernance ont été affaiblis : institutionnelle, politique, économique et sociale. Il n’existe pas de structure capable d’assurer une gestion efficace et cohérente », explique-t-il.

Selon lui, même si la loi HOPE/HELP n’a pas été renouvelée, certains dirigeants pourraient y voir un échec. « Oui, c’est vrai, environ 25 000 emplois sont en difficulté, mais après ? » s’interroge-t-il. Labossière souligne que l’absence de cadre institutionnel a permis à certains politiciens ou acteurs externes de prendre le contrôle de secteurs stratégiques, souvent au détriment de l’intérêt général

« On ne peut pas développer un pays uniquement avec le secteur de la sous-traitance », affirme l’économiste. Selon lui, ce modèle économique n’est pas adapté à Haïti, car la situation est aggravée par un chômage massif qui touche près de 80 % de la population. Même si ce secteur crée quelques emplois, il reste insuffisant pour générer un véritable développement économique et répondre aux besoins des Haïtiens.


Selon l’économiste, une économie saine nécessite une circulation fluide des facteurs de production et un engagement réel dans des secteurs générateurs de valeur. « Pour développer un pays, il faut des secteurs capables de créer de l’emploi et de la richesse. Si l’on reste bloqué dans une logique de sous-traitance et d’assemblage, on ne fera jamais progresser le pays », déclare-t-il.

Labossière rappelle que le secteur textile, qui avait historiquement créé près de 100 000 emplois dans les années 1980, ne compte aujourd’hui plus qu’environ 27 000 emplois. Cette diminution drastique accentue le chômage et la précarité, rendant le développement économique encore plus difficile. « Pour aujourd’hui, c’est à nous-mêmes de nous unir et de construire un autre Haïti », affirme-t-il


Il met également en avant l’intérêt logistique et économique des barils, qui permettent de réaliser des économies significatives. « Au lieu de gaspiller cet avantage, nous pourrions l’exploiter pour renforcer nos industries locales et soutenir la croissance », ajoute Labossière. Selon lui, le monopole de certains acteurs économiques empêche souvent l’expansion réelle de l’économie.


L’économiste dénonce également le modèle de l’industrie de sous-traitance, qui ne crée que peu de valeur ajoutée pour le pays. « Les usines se contentent de faire de l’assemblage, ce qui limite les emplois et freine le développement économique réel. Il faut repenser notre modèle pour générer des emplois stables et durables », explique-t-il.

Pour Labossière, relancer l’économie haïtienne passe par une politique commerciale orientée vers la production nationale et la substitution des importations. « Nous devons concentrer nos efforts sur les secteurs agricoles, agro-industriels et manufacturiers pour réduire notre dépendance aux produits étrangers, notamment ceux de la République dominicaine », insiste-t-il.

Il souligne également l’importance d’améliorer la qualité des produits locaux afin de rivaliser avec les importations. « Qu’il s’agisse de textile, de ciment ou de produits raffinés, nous avons le potentiel de produire de manière compétitive, mais il faut des investissements et une vision claire », explique-t-il.


Labossière se réfère à l’expérience américaine pour illustrer les bénéfices d’une approche économique structurée. « Aux États-Unis, investir en éliminant les barrières tarifaires et en utilisant les atouts logistiques permet de réaliser des économies et de créer de la valeur. Haïti pourrait s’inspirer de ce modèle pour développer son textile et ses industries locales », affirme l’économiste. 

Il insiste sur la nécessité de combiner investissements locaux et étrangers, tout en garantissant une gouvernance efficace. Selon lui, la clé réside dans la mobilisation des ressources nationales, la planification stratégique et la création d’emplois stables.


L’analyse de Labossière offre une leçon importante : Haïti ne peut pas compter uniquement sur l’aide extérieure ou les facilités douanières pour se développer. « Le développement économique doit s’appuyer sur nos propres capacités, nos industries et nos compétences. Il faut investir dans les secteurs qui génèrent réellement de la valeur et des emplois durables », conclut-il.

Selon lui, la relance économique dépend d’une stratégie cohérente, d’une vision industrielle claire et d’une gouvernance transparente. Sans ces éléments, les initiatives ponctuelles ou les aides externes ne suffiront pas à sortir le pays de l’impasse.


L’économiste Eddy Labossière met en lumière les défis structurels qui freinent Haïti : absence de gouvernance, chômage massif et sécurité. Pour lui, le pays dispose pourtant d’atouts considérables. Sans une stratégie claire et des investissements ciblés, ces potentiels resteront inexploités. La relance économique haïtienne, selon Labossière, doit impérativement s’appuyer sur une politique industrielle ambitieuse et une gouvernance responsable.


Arnod Junior Pierre

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