PubGazetteHaiti202005

« Souffrant d’un sévère déficit de légitimité, le décret créant l’ANI est privé d’effet juridique, donc inapplicable », selon une analyse de la FJKL

Marie Yolène Gilles, resp FJKL

La Fondation Je Klere, FJKL, dénonce le décret présidentiel du 26 Novembre dernier créant l’Agence Nationale d’Intelligence. Selon un rapport d’analyse de la FJKL, « l’ANI, telle que créée, représente un danger réel pour le respect des droits et libertés fondamentaux garantis et protégés par la constitution, les lois, traités et conventions internationales ratifiés par Haïti ». La FJKL justifie cela notamment par le fait que «  la philosophie qui a présidé à la création de l’ANI, vise la stabilité du gouvernement et non celle de l’Etat ».

« Le décret créant l’ANI est privé d’effet juridique. Ce qui veut dire qu’il est inapplicable », selon les conclusions d’un rapport d’analyse du décret réalisée par la Fondation Je Klere rendu public, le mardi 15 décembre dernier. La FJKL justifie sa position par le fait que ce décret, comme tous ceux pris par le Président Jovenel Moise, souffre d’un déficit de légitimité lié à la situation politique actuelle du pays qui est un état d’exception non déclarée. En effet, malgré la rupture de l’ordre constitutionnel en janvier 2020, aucune déclaration officielle n’informe la population et les partenaires internationaux de la spécificité de la situation actuelle et la durée requise pour le retour à la normalité constitutionnelle. Il n’existe pas non plus de cadre légal (ou cadre de référence) bénéficiant d’un large consensus politique et social permettant au président de la République de diriger pendant cette période exceptionnelle. D’où le problème de légitimité des décisions prises par un chef de l’Etat singulièrement seul et animé de la volonté de retour aux méthodes et pratiques qui rappellent étrangement une période que l’on croyait révolue, explique la FJKL.

De plus, l’Agence Nationale d’Intelligence telle que créée par ledit décret représente un danger réel pour le respect des droits et libertés fondamentaux garantis et protégés par la constitution, les lois, traités et conventions internationales ratifiés par Haïti, selon la FJKL. L’organisme de défense des droits humains en veut pour preuve notamment le fait que la philosophie qui a présidé à la création de l’ANI vise la stabilité du gouvernement et non celle de l’Etat comme c’était le cas sur le régime dictatorial de François Duvalier. La Fondation déplore également le fait que le décret ne prévoit aucune structure de contrôle indépendante de l’ANI.

« L’ANI est présenté sous la forme d’un service de renseignement unique organisé en quatre directions : Direction Générale, Direction Centrale des Services de Renseignement, Direction Technique de Renseignement et Direction Départementale de Renseignement, incluant une Inspection Générale de Renseignement, un centre de traitement et d’Analyse de Renseignement et une académie de Renseignement », fait remarquer la FJKL. Elle signale aussi que l’ANI ne comporte pas de : Direction du Renseignement Extérieur, Direction chargée des enquêtes douanières et de la fraude fiscale et une Direction chargée des relations avec la justice.

Le traitement du renseignement et des actions contre les circuits financiers clandestins, les transactions douteuses, la fraude fiscale, le contrôle des frontières, la lutte contre la corruption et le blanchiment des avoirs ne sont donc pas considérés comme des menaces importantes pour l’Etat et son développement économique. Il n’y a donc pas un lieu commun d’analyse de renseignements stratégiques, tactiques, opérationnels, économiques et financiers justifiant le concept d’intelligence, expliquent les analystes de la FJKL faisant remarquer que la doctrine des services de renseignements de Duvalier à nos jours n’a pas évolué. L’absence de ce système de contrôle indépendante ouvrira la voie particulièrement à des cas de violation des droits humains particulièrement le principe de la protection de la vie privée, familiale et du domicile, critique la FJKL.

Autorité secrète, autocontrôlée, autosaisie, avec tous les pouvoirs  de police judiciaire, d’information et d’instruction et bénéficiant, en plus, d’une immunité quasi-absolue, l’ANI doit faire l’objet d’une législation plus adaptée aux valeurs d’une société démocratique, recommande la FJKL. Aussi, les méthodes et techniques qu’elle est appelée à utiliser, de même que ses structures de contrôle, ses rapports avec la justice doivent faire l’objet de définitions claires de manière à éviter les abus. L’idée de placer ses agents au-dessus de l’administration, de la police et de la justice pour mieux les contrôler tout comme celle de l’immunité quasi-absolue par ses agents pour les actes posés dans l’exercice de leurs fonctions doit être abandonnée.

 

 

 

Par Diego O. Charles

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