
Le Conseil présidentiel de transition (CPT) a procédé lundi 8 septembre 2025 à l’installation officielle du Comité national haïtien de restitution et réparation (CNHRR). Cette nouvelle structure, composée de 21 membres issus d’institutions publiques, d’universités et de la société civile, est chargée de porter les revendications d’Haïti pour obtenir des réparations liées à l’esclavage, au colonialisme et à la dette imposée par la France en 1825.
Avec ce geste, Haïti franchit une étape déterminante dans sa quête de justice historique. La création du CNHRR inscrit le pays dans une dynamique de mémoire et de diplomatie proactive, dans un contexte où la reconnaissance des crimes coloniaux et des injustices historiques suscite un débat mondial.
Première République noire issue d’une révolution d’esclaves victorieuse en 1804, Haïti a longtemps supporté le fardeau d’une dette colossale exigée par la France comme condition de son indépendance. Contractée sous la menace des armes, cette dette a paralysé son économie pendant plus d’un siècle. En août 2024, en rejoignant la Commission caribéenne pour les réparations (CARICOM), le pays avait réaffirmé sa volonté de réclamer justice. En avril 2025, Paris a répondu par la mise en place d’une commission mixte d’historiens haïtiens et français pour revisiter ce chapitre douloureux de l’histoire.
Lors de la cérémonie, le président du CPT, Laurent Saint-Cyr, a officiellement intronisé les membres du comité, nommés par arrêté le 5 août 2025. « Leur engagement dans cette mission historique marque un tournant dans notre lutte pour la justice mémorielle », a-t-il déclaré, saluant une décision « porteuse d’espoir pour les générations futures ».
Le CNHRR, institué le 8 août 2025, regroupe 21 personnalités aux profils variés : universitaires, membres de la diaspora, représentants de la société civile et des ministères stratégiques, notamment ceux des Affaires étrangères et de l’Économie. Il est dirigé par le recteur de l’Université d’État d’Haïti, Dieuseul Prédélus, assisté de Ronald Jean Jacques comme secrétaire exécutif.
Dans son allocution, Dieuseul Prédélus a rappelé que 2025 marque « le bicentenaire de l’un des crimes économiques les plus violents de notre histoire : l’imposition, en 1825, d’une dette inique présentée comme le prix de notre liberté ». Il a insisté sur la nécessité de « nommer les choses », affirmant que les termes édulcorés comme « indemnité » ou « dette de l’indépendance » « ne suffisent plus à masquer le chantage colonial exercé contre Haïti ».
La mission du comité est vaste : évaluer les montants des réparations, coordonner les plaidoyers diplomatiques, sensibiliser la population et assurer la transparence des fonds obtenus. Pour le CPT, ce lancement est « une affirmation de souveraineté » et un signal fort envoyé à la communauté internationale.
Les universités, la jeunesse et la diaspora sont appelés à s’investir pleinement dans cette démarche. « Ce combat demeure le nôtre et exige recherche rigoureuse, mobilisation constante et diplomatie efficace », a martelé Prédélus. Par cette initiative, Haïti entend faire entendre sa voix dans le débat mondial sur la mémoire coloniale et les réparations, ouvrant ainsi une nouvelle page de son histoire.
Par Arnold Junior Pierre
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