Quelques jours seulement après l'assassinat de Jovenel Moïse, un média colombien avait vite identifié le Dr Claude Joseph alors en poste comme « premier ministre assurant la continuité de l'Etat », comme le principal suspect dans le crime. Sans avancer aucune preuve, Noticias Caracol citant des sources anonymes avait publié des informations impliquant le chancelier haïtien dans le meurtre du président. Selon le média, Claude Joseph aurait même participé à une réunion avec « les mercenaires qui ont assassiné Jovenel Moïse ». Le chef du gouvernement a.i qui jurait de rendre justice à son président était devenu soudainement celui qui l'aurait assassiné, du moins dans l’opinion. Les médias locaux ont largement relayé les informations du journal colombien. Il n'est plus premier ministre, Noticias Caracol et d’autres médias haïtiens curieusement ne parlent plus de Claude Joseph comme le suspect numéro 1. Il est sorti du radar. Il n'est plus l'assassin de Jovenel Moïse. Mission accomplie, pourrait-on dire.
Le nom du chancelier haitien qui fait profil bas depuis son départ de la primature ne figure même pas dans le dernier rapport de la plus puissante organisation de droits de l'homme en Haïti, le RNDDH comme quelqu’un qui aurait un quelconque lien avec le crime, mais favorise une pluie d’attaques contre l'actuel premier ministre Ariel Henry en rapportant des appels entre ce dernier et Joseph Félix Badio. Et, tout d'un coup, l’actuel chef du gouvernement est perçu comme l'assassin du président ( qu’il avait choisi juste avant sa mort) pour avoir parlé avant et après l’assassinat avec Joseph Felix Badio, l'un des principaux suspects du crime. Des proches du pouvoir et d'anciens opposants sont allés jusqu'à demander sa démission pour qu'il puisse se présenter devant la justice. D'ailleurs, pour Stanley Lucas un allié du régime, il n'y aurait presque plus de doute, Ariel Henry est l'assassin de Jovenel Moïse.
Le rapport du RNDDH ne semble pas pour autant affecter outre mesure la crédibilité du premier ministre auprès des partis politiques puisque le premier ministre est en pleine négociation avec eux pour installer « un exécutif monocéphal » à la tête du pays. Il paraît qu’ils n’accordent pas trop
d’importance à la révélation de l’organisme des droits humains. Les plus proches de Jovenel Moïse non plus. Reynald Lubérice, bras droit du feu président, a d'ailleurs rejeté le rqpport du RNDDH.
Reconnaissons-le, le fait par Ariel Henry d'avoir échangé avec l’un des présumés auteurs intellectuels le jour du crime ne suffit pas pour attester qu’il y est impliqué. Cela aurait pu être aussi une simple coïncidence. Toutefois, Ariel Henry devra tôt ou tard s’expliquer sur le contenu de sa converstion avec Badio en cette soirée du 6 au 7 juillet dernier.
La différence entre l'accusation portée contre Claude Joseph et celle contre Ariel Henry, c'est qu'elle est appuyée par le rapport du RNDDH. Dans le cas du premier, il s'agissait d'une simple accusation venue d'un média étranger qui semble avoir laissé tomber son enquête une fois que le Dr Joseph n'est plus premier ministre. Hier c’était Claude Joseph, aujourd’hui c’est Ariel Henry. Demain, on nous trouvera un autre suspect comme pour cacher notre incapacité à rendre justice au premier citoyen haïtien. Que peuvent espérer toutes les autres victimes ( la saline, Monferrier Dorval, Citét Soleil, Bel Air, Carrefour-Feuille etc.) ?
Malheureusement dans notre Haïti, la faillite du système judiciaire, entretenue par la présidence de Jovenel Moïse, laisse le champ libre aux médias à l’heure des réseaux sociaux de faire le jugement des uns et des autres. Compte tenu des « dessous politiques » autour de ce dossier, il est presque sûr qu'on ne saura jamais avec exactitude qui a planifié et exécuté Jovenel Moïse. Et le cycle infernal de l'impunité se poursuivra, pour longtemps encore au grand dam des victimes: du citoyen lambda hier jusqu’au président de la république, aujourd’hui.
Par Gazette Haïti
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