Avec le slogan « Pa gen demokrasi san fanm », le Conseil électoral provisoire (CEP) a lancé ce mercredi une campagne nationale de sensibilisation et de mobilisation des femmes autour du processus électoral à venir. Soutenue par le gouvernement, le Conseil présidentiel de transition et plusieurs partenaires internationaux, cette initiative ambitionne de redonner aux femmes haïtiennes la place qui leur revient dans la gouvernance du pays.
La cérémonie officielle, marquée par la présence du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, des conseillers présidents Frinel Joseph, de la ministre à la Condition féminine et aux Droits des femmes, Pedrica Saint-Jean, ainsi que de la représentante d’ONU Femmes en Haïti, Marie Goretti Nduwayo, a donné le ton d’un engagement collectif en faveur d’une démocratie plus inclusive et équitable.
Dans une salle empreinte d’énergie et d’espérance, les hymnes nationaux ont résonné avant que la conseillère électorale Rose-Thérèse Magalie Georges ne plante le décor. Elle a rappelé, avec conviction, que « la démocratie haïtienne ne saurait être complète sans l’inclusion pleine et entière des femmes dans la vie politique ».
Prenant la parole à son tour, le président du CEP, Jacques Desrosiers, a dressé un constat sans équivoque sur la sous-représentation féminine dans les institutions élues. Il a rappelé que lors des élections législatives de 2015–2016, seules trois femmes avaient été élues à la Chambre des députés et une au Sénat. Une situation alarmante, selon lui, au regard de l’article 17.1 de la Constitution amendée de 1987, qui fixe un quota minimum de 30 % de femmes dans toutes les structures de décision.
Malgré les mesures incitatives adoptées en 2015 notamment une réduction de 40 % des frais d’inscription pour les partis respectant ce quota, la réalité reste déséquilibrée : seulement 29 femmes élues contre 1 442 hommes. « Ma présence ici n’est pas symbolique, mais un acte d’engagement », a insisté Jacques Desrosiers, réaffirmant la volonté du CEP de créer un cadre électoral plus juste et plus ouvert aux femmes.
Le président du CEP a également promis de renforcer la coopération avec les organisations féminines et les partenaires internationaux afin d’améliorer les capacités des femmes candidates, d’intégrer la dimension genre dans les politiques publiques et de combattre la violence politique fondée sur le genre. « Aucune nation ne peut prospérer en laissant derrière elle la majorité de sa population. Promouvoir le leadership féminin n’est pas un choix, c’est une nécessité », a-t-il souligné, appelant à un sursaut collectif pour que les femmes puissent pleinement jouer leur rôle dans la refondation démocratique du pays.
Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, dans son discours, a salué le lancement de cette campagne qu’il qualifie d’« acte fondateur pour une démocratie inclusive ». Il a annoncé que l’avant-projet du décret électoral prévoit des incitations financières pouvant atteindre trois milliards de gourdes pour encourager la pleine participation des femmes aux prochaines élections.
« Nous voulons que les femmes soient présentes à tous les niveaux du processus électoral : comme candidates, observatrices, mandataires ou électrices actives. Le pays doit se reconstruire avec elles et par elles », a déclaré le chef du gouvernement sous une salve d’applaudissements. Selon lui, la transition politique actuelle doit marquer un tournant vers une ère nouvelle d’équité et de représentativité. « Une démocratie amputée de la voix des femmes est une démocratie incomplète. Le moment est venu de leur rendre leur place, non par faveur, mais par justice », a-t-il ajouté.
Le Conseiller président Frinel Joseph a profité de l’occasion pour rendre hommage à la contribution historique des femmes dans la lutte pour la liberté et la dignité nationale. « L’histoire de notre nation est profondément marquée par le courage inébranlable des femmes haïtiennes. Depuis Sanité Bélair, Marie-Jeanne Lamartinière et Catherine Flon jusqu’à nos contemporaines, elles ont toujours été au cœur des luttes, souvent dans l’ombre, mais toujours essentielles », a-t-il déclaré.
Selon lui, ce lancement ne se limite pas à une cérémonie protocolaire, il représente un engagement solennel de la nation à bâtir un avenir où la voix des femmes compte dans chaque décision politique.
Pour la représentante d’ONU Femmes en Haïti, Marie Goretti Nduwayo, cette campagne envoie « un signal fort à la communauté internationale ». Elle a salué l’initiative du CEP et du gouvernement, soulignant que la participation politique des femmes est un levier essentiel du développement durable.
La ministre à la Condition féminine et aux Droits des femmes, Pedrica Saint-Jean, a de son côté insisté sur la nécessité d’inscrire cette mobilisation dans une dynamique institutionnelle durable. « La participation politique des femmes ne relève pas uniquement d’une revendication féminine, mais d’une exigence de justice, de cohérence et de dignité nationale », a-t-elle martelé. Elle a salué la collaboration entre son ministère, le CEP et les organisations féministes, qu’elle considère comme « un modèle de partenariat au service de la démocratie ».
La ministre a également annoncé la tenue prochaine des États Généraux de la participation politique des femmes, qui seront lancés dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes. Ces assises régionales permettront de dresser un état des lieux, d’élaborer une feuille de route claire et de proposer des recommandations concrètes pour renforcer la présence féminine dans les instances électives et décisionnelles.
À travers cette campagne, le CEP et le gouvernement haïtien veulent informer, former et mobiliser les femmes de tous horizons commerçantes, enseignantes, étudiantes, mères ou militantes afin de participer pleinement à la vie politique. Mme Saint Jean rappelle que la reconstruction du pays passe par l’inclusion effective des femmes à tous les niveaux de décision.
Par Arnold Junior Pierre
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