PubGazetteHaiti202005

Marche contre l'insécurité : quelques milliers de personnes dans les rues, des barricades de pneus enflammés érigés comme pour défier le dernier décret de Jovenel Moïse

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Ils étaient seulement quelques milliers de citoyens( militants politiques, membres d'organisations de défense des droits humains, socio-professionnels, avocats, médecins, acteurs de cinéma...) , lors de la « marche pour la vie et contre le kidnapping » organisée à Port-au-Prince ce jeudi 10 décembre 2020. La participation citoyenne a été en deçà des espérances. Toutefois, des manifestants ont en profité pour défier Jovenel Moïse et son décret en érigeant des géantes barricades de pneus enflammés.

Au moment où des citoyens toutes catégories confondues s’échauffaient au Champs de Mars, au Carrefour de l'aéroport désigné " Carrefour de Résistance", la foule peinait à grossir.


Pourtant, tout était en place. Le pick-up diffusant des chansons engagées, des pancartes estampillées des messages dénonçant toutes les dérives et un grand tableau où l'on pouvait voir des victimes broyées par la machine infernale de l'insécurité. "Me Monferrier Dorval, Evelyne Sincère, Grégory Saint Hilaire, entre autres".


Pour démarrer en couleur, des manifestants ont érigé des pneus enflammés au niveau de ce carrefour comme pour défier le décret de Jovenel Moïse qui condamne cette pratique et traite de terroristes les auteurs.  Jamais autant de montagnes de pneux enflammés dans les rues de la capitale.


Tout au long du parcours pour rejoindre l'autre branche de la marche, c’était le même scénario. Les militants les ont déposés à la barbe des agents de l'ordre.


Indignation et colère au rendez-vous dans la foule. Certains citoyens, de leur maison, applaudissaient le cortège, pendant que d’autres regardaient avec nonchalance, comme si la cause ne les concernait pas.


"Nous voulons vivre. Nous ne pouvons pas respirer", les manifestants arboraient leur t-shirt blanc pour exprimer leur désarroi face à l'insécurité grandissante dans le pays.


Au carrefour Lalue, point de rencontre de la marche, des manifestants font le tour d'une énorme barricade de pneus enflammés. C'est l'extase...


Petit moment symbolique à la marche pacifique contre le kidnapping et le droit à la vie au carrefour "Tifou", à un cheveu du Ministère de la Justice où le message final serait rendu. Des citoyens se sont longés au sol, immobiles, l'air sans vie, couverts par des draps blancs, maculés de tache de sang artificiel, pour décrire l'image de nombreux frères et sœurs tombés à cause de la recrudescence de l'insécurité.


Jean Claude Alexis, 68 ans, cheveux blanchis, confie avoir défié sa famille pour être présent à la marche car, dit-il, il n'a jamais vu ce genre de dérives dans le pays du haut de ses 68 ans. "On est tous concernés et victimes du problème d’insécurité sur le territoire", lâche-t-il, lui qui ne voulait pas rester inactif chez lui.


Le couple Michel, ne rate pas l'occasion de marcher ce 10 décembre  jour commémoratif du 72ème anniversaire de la Journée internationale des droits de l'homme. Dr Stéphane Michel, membre de "Nou pap Dòmi", croit qu' « un seul citoyen ne peut faire face à cette réalité morose dans laquelle nous vivons ». Il réclame un faisceau citoyen pour redresser la barre du pays. Me Roseberte Augustin, membre du barreau de Port-au-Prince, l'épouse du docteur-militant, dit être présente dans la marche pour exiger le respect de leur vie qui est banalisée par les hommes politiques et  pour réclamer également justice pour son bâtonnier (Me Monferrier Dorval) assassiné.

Jean-Robert Argant, du Collectif de 4 Décembre dit vouloir charier les revendications du peuple haïtien et se demande  pourquoi un État laisse toute une population à la merci des bandits. "La population doit avoir conscience que les dirigeants ne la protègent pas. Il n'y a aucun recours et aucun secours", s'indigne M. Argant. Pour lui, une guerre ne se gagne pas dans la première bataille, comme pour expliquer pourquoi ce genre d'initiative n'a pas accouché de résultats satisfaisants.

Me Gédeon Jean, militant des droits humains, lui, marche pour la vie avec enthousiaste dans la foule. Il croit que la marche est reussie puisque toute catégorie sociale y participe.

Le leader de Pitit Dessalines a marqué sa présence dans la foule. Jean-Charles Moïse réitère sa volonté de combattre ce système et annonce la poursuite de la mobilisation sur tout le territoire afin de renverser ledit système.

D'autres leaders tels l'ancien sénateur Antonio Chéramy et Rony Timothée présents dans la marche ont quant à eux tiré à boulets rouges sur le président Jovenel Moise accusé de vouloir instaurer la dictature dans le pays à travers un ensemble de décrèts.

Le jeune économiste Enomy Germain, présent à la marche, croit que ce n'est pas la question économique qui est en jeu. "La vie en générale est en danger dans ce coin de terre ", a-t-il avoué. L'économiste dit plaider pour une justice globale capable de diminuer les inégalités sous toutes ses formes. M. Germain estime qu'il est important que les citoyens s’impliquent pour dire "non".

Énomy Germain analyse la faible participation citoyenne à cette marche qui, selon lui, repose d'abord sur la violence policière répétitive pour réprimer les manifestations. Ensuite, selon ses dires, le désenchantement au sein de la société est dû à cause du mépris des autorités face aux revendications de la population.

Un cordon de sécurité a été mobilisé pour empêcher les initiateurs du mouvement de délivrer leur message devant le ministère de la Justice et de la Sécurité publique. Sans pouvoir atteindre leur objectif, des organisateurs du mouvement qui se sont quand même adressés à la population ont été dispersés à des coups de gaz lacrymogène peu de temps après.

Dans les aires de Champ-de-Mars où des militants insatisfaits se sont rassemblés, des agents de l'ordre ont bombardé ces derniers ont été gazés par les forces de l’ordre comme à leurs habitudes.

Depuis un certain temps, les manifestations ne drainent pas la grande foule, qu'il s'agisse de revendications politiques ou sociales. Désabusée, la population se remet à Dieu, en témoigne cette marée humaine qui a déferlé dans les rues pour louer Immaculée Conception mardi dernier.

Si des acteurs et réalisateurs du cinéma, tels Arnold Antonin et Géssica Généus ont payé de leur présence à cette marche contre l'insécurité et le kidnapping, les artistes (musiciens) ont brillé par leur absence




Par Michel Césaire 

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