PubGazetteHaiti202005

Journée internationale de la femme : L’éducation demeure le prix à payer

Photocredit: zakweli.com


Depuis plus d’un siècle, le 8 mars ramène la journée internationale de la femme. Une date couronnée d’une longue histoire portant avec elle des engagements exprimés et des combats menés, quoi qu’il en soit,  l’essentiel est fait : revendiquer et faire reconnaitre les droits fondamentaux à des femmes. Mais, pourquoi une Journée internationale de la femme ?

Pour faire le point un peu sur le 8 mars, cela remonte en 1908 à New York, aux Etats-Unis d’Amérique, où environ 15 000 femmes ont marché lors d’un mouvement syndical pour réclamer une réduction du temps de travail, un traitement salarial juste et le droit de vote.  Mais ce n’est qu’en 1910 lors d'une conférence internationale des femmes travailleuses à Copenhague, que Clara Zetkin a suggéré l’idée d’une journée internationale de la femme sans fixer de date précise. 

La journée internationale de la femme a été célébrée pour la première fois en 1911, en Autriche, au Danemark, en Allemagne et en Suisse. « La date à laquelle la grève des femmes a commencé sur le calendrier julien, alors en usage en Russie, était le dimanche 23 février. Dans le calendrier grégorien, ce jour était le 8 mars - et c'est à cette date qu'il est célébré aujourd'hui. »  Le thème de cette année est " Je suis de la Génération Égalité : Pour les droits des femmes et un futur égalitaire. via le site internet BBC news Afrique,  consulté le 06 mars 2020.
 
Officialisée par les nations unies en 1975, la journée internationale de la femme est célébrée chaque année en vue de sensibiliser les gens du monde entier à travailler pour une société humaine plus juste et plus égalitaire. Et, selon l’article premier de la déclaration universelle des droits de l’homme, « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits […] » . Je tiens à faire remarquer que le texte met l’accent sur tous les êtres humains, c’est-à-dire : « fanm ak gason egal ego nan diyite ak dwa ». 

Par ailleurs, si l’on prend le soin de lire rationnellement l’histoire de l’humanité au prisme du temps (des époques) et des civilisations, les femmes ont toujours été la cible de toutes sortes de discriminations tant sur le plan socio-économique que politique, notamment la misogynie, le machisme, les agressions physiques et morales,  l’analphabétisme, la dépendance, etc. 

A un certain moment de l’histoire, les femmes n’étaient considérées que comme de simples « femelles », qui ont dû subir tous les sorts suivant les caprices des « mâles ». Etant les victimes préférées d’un ordre légalement établi, alors en sortir de ce cycle à la fois injuste et infernal ne peut, en aucun cas, être le produit du hasard.  Sera-ce un combat constant à bien mener et surtout à gagner. 

A mon sens, la journée internationale de la femme rappelle, entre autres, que le chemin à parcourir est encore long, le combat n’est pas terminé, le pari n’est pas gagné d’avance. Donc cette journée ne saurait être célébrée comme une simple « fête ». C’est vrai que des progrès ont été réalisés ces dernières décennies via le combat pour l’émancipation des femmes, le quota (%) de participation des femmes aux affaires publiques, l’intégration, etc. 

Je doute fort que ces mécanismes à court et à moyen terme ont effectivement la vocation à soutenir fermement la cause des femmes pour la faire avancer en vue d’aboutir à quelque de durable et de sérieux. Selon moi l’éducation est le prix à payer afin que toutes les femmes et tous les hommes puissent avoir leur place bien méritée dans une société équitable. Car, seule l’éducation offre à tout le monde l’égalité de chance. 

De belles âmes se sont brillamment illustrées, des figures emblématiques ont prêté vaillamment main forte à la cause des femmes. De ce nombre, je veux sortir le nom d’une femme haïtienne remarquable, qui a marqué la littérature francophone en général et particulièrement la littérature haïtienne pendant le vingtième siècle, il s’agit de la très distinguée *Marie Vieux Chauvet.* C’est son éducation qui lui a permis de se découvrir et se faire remarquer en tant qu’auteure émérite. 

Elle a été (à titre posthume) retenue comme invitée d’honneur de livres en folie de 2016, à cette occasion, nombre d’articles la concernant ont paru en Une du journal le nouvelliste, dont le titre *L’immense Marie Vieux Chauvet,* publié le 29 mars 2016 qui a fait ainsi sa présentation : « Marie Vieux Chauvet est née à Port-au-Prince (Haïti) le 16 septembre 1916, [...] Seule femme dans le groupe d’écrivains – en compagnie d’auteurs tels que Davertige, Serge Legagneur, Roland Morisseau, Anthony Phelps et René Philoctète […] Elle publie plusieurs romans, tous dominés par la question de l’égalité et de la justice. Tout au long de sa vie, Marie Chauvet a mené une lutte ouverte contre la misère dans laquelle vit un grand nombre de ses compatriotes. Empreinte d’un idéalisme certain, son œuvre est toutefois marquée par un existentialisme qui, déployé dans des structures textuelles de plus en plus complexes, lui donne une voix politique puissante. Fille d’Haïti évoquait à l'arrière-plan un mouvement révolutionnaire pouvant préfigurer ce qui allait se passer après l’avènement au pouvoir de François Duvalier.»

Dans un autre article du journal le nouvelliste, écrit par Dieulermesson PETIT FRERE, intitulé *Marie Vieux Chauvet, la fille d’Haïti,* Publié le 20 mai 2016 : « Fille d’Haïti est un roman assez osé. Fille de la bourgeoisie, Marie Vieux-Chauvet, à travers ce roman, a frappé de plein fouet les éléments de cette classe si dédaigneuse. Bravant les tabous, elle parle ouvertement de la prostitution, et s’apitoie sur le sort des créatures de cette catégorie broyées par les exigences de la vie. Et ces pauvres, ces laissés-pour-compte, incarnés par le vieux Charles et ses enfants qui représentent les défavorisés, les déshérités, bousculés par les soucis quotidiens. L’auteure fustige les travers d’une société dont la raison d’être ne repose que sur l’hypocrisie, la violence et les préjugés de toutes sortes. Elle dénonce les abus d’autorité, critique les discriminations faites aux femmes, pleure sur la condition difficile des paysans acculés par les hommes du pouvoir qui leur volent leurs terres ».

Défenseure des droits de la femme, elle a influencé la grande décision politique reconnaissant le droit de vote aux femmes haïtiennes pour la première fois en Haïti lors des élections de 1957. Et pendant la dictature, elle a milité encore par ses publications contre les traitements inhumains et les violations des droits fondamentaux dont sont victimes les personnes démunies de la société haïtienne, particulièrement les femmes et la paysannerie.  L’un de ses romans les plus connus du monde littéraire est : *Amour, colère et folie* dont le manuscrit a été envoyé à Simone de Beauvoir, celle-ci a soutenu la publication de ce chef-d’œuvre dans les éditions  Gallimard en 1968.  

Simone de Beauvoir de son coté, qui est une intellectuelle de grande renommée mondiale, a soutenu que : « On ne naît pas femme, on le devient. » car pour Simone, « les différences entre hommes et femmes ne seraient pas biologiques mais culturelles, et résulteraient d’un apprentissage tout au long de la vie […] C’est la première fois que l’on distingue le fait d’être une femelle de celui d’être une femme. C’est seulement à partir des années 70 que l’on désignera cette différence avec les termes sexe et genre », selon les commentaires  de la Pause Philo publiés son site internet le 18/07/2019. 

Si on est femme que par la culture, autrement dit par l’éducation, de l’autre coté c’est pareil, on est homme que par l’éducation. Pour une société juste, équitable et égalitaire le travail doit se faire non seulement en aval pour limiter les dégâts et gérer les urgences auxquels sont confrontées les femmes, mais encore, il faut du moins travailler en amont en ce sens que l’on accorde une place prioritaire à l’éducation (dans son acception la plus large) et la rendre accessible à tout le monde sans discrimination basée notamment sur le sexe. 

Les défis auxquels s’adresse la journée internationale de la femme ne seront pas levés en une seule journée de sensibilisation, c’est une compagne d‘éducation et/ou de rééducation permanente qui concerne toute la société mondiale, un combat sans relâche surtout avec des idées pertinentes et des  actions significatives pour remédier à cette situation regrettable et faire une approche prospective digne  de l’être humain sur le long terme, encore et toujours par l’éducation. 

Avec honneur et respect, tenez bon ! 

 

 

Fonds-des-nègres, le 7 mars 2020
Rodrice Durocher
Avocat

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