PubGazetteHaiti202005

Halte au projet de Constitution: le Barreau de Port-au-Prince dénonce un processus illégitime et dangereux

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Dans un rapport publié le 6 août 2025 et présenté le 29 août 2025, une commission instituée par le Conseil de discipline du Barreau de Port-au-Prince alerte sur l’irrégularité juridique et l’illégitimité du processus ayant conduit à l’élaboration de l’avant-projet de constitution soumis par le Comité de Pilotage de la Conférence Nationale. Les avocats parlent de “fraude constitutionnelle” et mettent en garde contre une dérive autoritaire.

Le projet de nouvelle Constitution, présenté récemment par le Comité de Pilotage de la Conférence Nationale (CPCN), continue de susciter de vives réactions. Après des critiques émanant de divers secteurs de la société, c’est désormais le Barreau de Port-au-Prince qui monte au créneau.

Dans un rapport détaillé, la commission ad hoc composée des avocats Bernard Gousse (président), Josué Pierre-Louis (rapporteur), Marc-Sony Charles, Main Guillaume et Joe Ducasse, instituée par décision du 4 juin 2025, estime que le processus d’élaboration de l’avant-projet de constitution viole la Constitution de 1987 et ne repose sur aucune base légale solide. « Les autorités en place, qui ont prêté serment de respecter la Constitution de 1987, ne peuvent initier un acte constituant originaire sans rupture préalable de l’ordre juridique », souligne le document.

Les avocats dénoncent ce qu’ils qualifient de « manœuvres frauduleuses » ayant abouti à un texte produit par un Comité de Pilotage « à huis clos », alors que la prétendue Conférence nationale n’a jamais eu lieu. La commission y voit une tentative d’imposture visant à tromper la Nation.

Sur la question de la régularité, le rapport rappelle qu’aucune révolution, aucun coup d’État ni consensus national n’ont précédé la rédaction du texte, conditions habituellement nécessaires à l’ouverture d’un processus constituant. Les juristes rappellent également que les dispositions de la Constitution de 1987 encadrent strictement les révisions et que le vide parlementaire actuel empêche toute modification régulière.

Du point de vue de la légitimité, la commission constate une absence flagrante de participation citoyenne et de transparence. Les auteurs de l’avant-projet ne sont pas, selon elle, des représentants élus du peuple. Elle affirme que le peuple haïtien, en tant que constituant suprême, doit être consulté au préalable sur l’opportunité d’un changement constitutionnel.

Le décret référendaire adopté le 24 juin 2025 est qualifié de « fuite en avant ». Les avocats craignent que la consultation annoncée soit entachée d’un faible taux de participation et ne reflète pas la volonté réelle du corps social. Le rapport avertit que persister dans cette voie conduirait à l’adoption d’une prétendue constitution illégitime et contestée.

En conclusion, le document plaide pour le respect scrupuleux de la Constitution de 1987 et de ses mécanismes de révision. Il insiste sur la nécessité d’organiser des élections législatives afin de rétablir un Parlement compétent et, à défaut, d’engager un référendum d’opportunité permettant au peuple de décider s’il souhaite ou non changer la Constitution. Dans ce cas, une assemblée constituante élue devrait être chargée de rédiger un nouveau texte soumis à la sanction populaire.

Le rapport appelle enfin l’ensemble de la société à réfléchir collectivement à une adaptation du droit haïtien aux défis contemporains, mais dans le strict respect des procédures démocratiques.

Pour le Barreau de Port-au-Prince, l’heure est claire : toute réforme constitutionnelle imposée en dehors de la légalité et de la volonté populaire risque d’ouvrir la voie à l’instabilité et à l’autoritarisme.


Wideberlin Sénexant

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