Lors de son intervention à l’émission Le Rendez-vous avec Volcy Assad le vendredi 2 mai 2025, l’écologiste Harry Nicolas, connu sous le sobriquet « Mèt Fèy Vèt », a lancé un vibrant plaidoyer pour une refondation nationale centrée sur l’agriculture, la souveraineté alimentaire et l’implication du peuple dans les choix politiques. Pendant plus de cinquante minutes, il a esquissé les contours d’un pays riche en potentiel mais paralysé par l’inaction politique et la désorganisation sociale.
Dès ses premiers mots, Mèt Fèy Vèt a félicité l’animateur Volcy Assad pour sa manière d’introduire le débat, soulignant la résilience des cultivateurs haïtiens : « M renmen jan ou mete aksan sou jan peyizan yo ki pa janm lage, malgre tout move sitiyasyon an. » Une reconnaissance qu’il considère essentielle pour une société qui a trop souvent relégué ses paysans à la marge.
À travers un parallèle saisissant, l’écologiste a comparé le climat haïtien aux défis rencontrés ailleurs dans le monde. « En janvier 2025, alors que des millions d’Américains étaient bloqués chez eux par la neige lors de l’investiture du président Donald Trump, ici, il faisait chaud. On ne mesure pas à quel point notre climat est une bénédiction. Chez nous, les arbres gardent leurs feuilles toute l’année. » Pour lui, cette stabilité climatique est l’un des atouts majeurs du pays, trop souvent négligé dans les politiques de développement.
Mais derrière cette richesse naturelle, il voit un paradoxe douloureux : un pays tropical qui importe la majorité de ce qu’il consomme. « De Limonade à Ouanaminthe, il y a des millions d’hectares de terres abandonnées depuis plus de 70 ans. Pourtant, on continue à acheter nos produits alimentaires chez nos voisins. »
À la question sur la portée du Premier mai dans le contexte actuel, Mèt Fèy Vèt n’a pas mâché ses mots : « Nou paka nan voye wòch kache men. » Selon lui, cette fête qui autrefois célébrait le travail agricole n’a plus la même signification aujourd’hui. « Les foires du 1er mai ne sont plus agricoles. Ce sont des produits artisanaux qui dominent. À Port-au-Prince, il n’y a plus de jardins, et les cultivateurs ne peuvent plus descendre de leurs montagnes. »
Il dénonce l’insécurité qui empêche les paysans de transporter leurs récoltes. « Même venir de Kenskoff jusqu’à Pétion-Ville est devenu impossible. Alors imaginez ceux du Nord ou du Sud ! » Il cite notamment le département des Nippes, regorgeant de ressources en eau, mais resté largement inexploité.
Pour Mèt Fèy Vèt, le maïs est l’exemple parfait d’une solution durable. Il affirme pouvoir transformer 1500 hectares de terre en une machine productive : trois récoltes par an, à condition de disposer d’un système d’irrigation moderne et d’une agriculture mécanisée. « Le maïs, c’est une clé. On peut faire du pain avec, des jus, du vin, de la bière, des gâteaux… même les tiges nourrissent le bétail. Rien ne se perd. » Il rappelle que lui-même a transformé du maïs en divers produits, en collaboration avec des marques locales comme Bonbon Sel et Epi D’or.
Il félicite aussi l’ancien député Patrick Joseph pour avoir mis au point une malta sans produits chimiques, preuve qu’un modèle de production sain et local est possible. Mais il va plus loin : « Il nous faut des chefs cuisiniers capables d’imaginer des recettes autour du maïs. On peut manger le maïs sous toutes ses formes. Un seul plant donne jusqu’à 500 grains. Nos terres sont prêtes. »
C’est au peuple de faire campagne pour choisir ceux qui prendront la tête du pays
Au-delà de l’agriculture, Harry Nicolas appelle à une conscience citoyenne forte. « Ce n’est pas aux politiciens seuls de décider. C’est la population qui doit partir à la recherche de ceux qui peuvent vraiment transformer ce pays. » Il souligne que la crise actuelle, bien que profonde, est une opportunité pour penser autrement le futur : « Se pa lè pwoblèm fini pou nou al plante. Fòk nou panse alavans. »
En s’appuyant sur son expérience du mouvement Kita Nago — qu’il décrit comme un exercice de conscience nationale plutôt qu’une démarche mystique — Mèt Fèy Vèt témoigne de sa foi en la capacité des Haïtiens à se mobiliser pour changer les choses. « En 27 jours, nous avons parcouru 738 km, traversé 7 départements et 45 communes. C’est cette volonté qu’il nous faut retrouver. »
Il conclut en dénonçant les manipulations politiques autour de ce mouvement : « Ceux qui ont brûlé le bois de Kita Nago l’ont fait par peur de la prise de conscience du peuple. Ce n’était pas du vodou, c’était un signal pour nous rappeler d’où nous venons, et où nous voulons aller. »
« Fòk nou chita ansanm. Sans hypocrisie. Si n ap chèche peyi, se ansanm l ap fèt », martèle Mèt Fèy Vèt.
Avec son ton direct, sa vision enracinée et ses propositions concrètes, Harry Nicolas offre une voix différente dans le tumulte haïtien. Une voix qui croit encore en la terre, en la solidarité, et surtout, en la capacité du peuple haïtien à reprendre son destin en main.
Arnold Junior Pierre
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