
Le vendredi 9 mai 2025 vers les 7 heures du soir, Emmanuel Filias, President du camp d’hébergement du ministère de la Culture et de la Communication, a été assassiné à Bois-Verna, un quartier de Port-au-Prince. Criblé de balles, notamment à la tête, il laisse derrière lui une communauté de déplacés désemparée.
Ce lundi 12 mai 2025, l’équipe du journal a visité le camp d’hébergement situé au ministère de la Culture et de la Communication, où Emmanuel Filias a été abattu. Une marchande installée près de l’entrée du camp, qui a préféré garder l’anonymat par mesure de sécurité, a relaté le meurtre d’Emmanuel Filias, un leader respecté des déplacés. Il a été criblé de 16 balles, touchant des zones vitales, y compris la tête. L’assassinat a eu lieu en soirée, dans le quartier de Bois-Verna, lorsque des hommes armés non identifiés ont semé la terreur. Ce drame a profondément choqué les habitants du camp. L’émotion est palpable parmi les déplacés, qui restent abasourdis par cette tragédie.
De plus, une jeune vendeuse de jus gazeux, présente sur les lieux au moment du meurtre, a décrit la scène. « Il est tombé sous les balles sans même avoir eu le temps de réagir», confie-t-elle, la voix tremblante. Emmanuel Filias, très impliqué dans la lutte pour les droits des déplacés, avait souvent dénoncé les conditions de vie déplorables dans les camps et s’était battu sans relâche pour obtenir de l’aide humanitaire pour ses concitoyens.
Marconel Jean, délégué du camp où Emmanuel Filias occupait la présidence, a exprimé avec amertume la frustration croissante des déplacés : « Cela fait plus de deux ans que nous survivons dans des conditions inhumaines, sans recevoir le moindre soutien concret. Au lieu de nous venir en aide, on nous assassine. Nous, responsables de camps, sommes livrés à nous-mêmes, sans appui, sans protection. Chaque jour, nous vivons dans la peur, constamment menacés par la violence. »
De son côté, Jhonny Élisé, président du camp voisin de Bois-Verna — communément appelé centre d’hébergement de Bois-Verna — a exprimé à notre rédacteur un sentiment similaire de détresse et d’abandon. « Ce sont toujours nous, les victimes, qui payons le prix de l’inaction des dirigeants en place. Nous, les responsables de ces camps, avons l’impression d’être devenus des boucs émissaires. Nous sommes en danger, et notre demande est claire : qu’on nous apporte enfin l’aide et la protection nécessaires pour survivre », a-t-il déclaré.
Sur place, la douleur est palpable et les déplacés peinent à contenir leur chagrin. Nombreux sont ceux qui ont assisté à la scène d’horreur et qui demeurent profondément marqués par cette nouvelle vague de violence. « Emmanuel était notre voix, notre porte-parole, notre espoir… Nous l’avons élu à l’unanimité, sans la moindre contestation, confie une dame, affirmant être mère de quatre enfants, avec des larmes aux yeux. Il nous rendait une part de dignité dans ce monde qui nous oublie. Maintenant qu’il n’est plus là, nous sommes perdus. Nous ne savons plus vers qui nous tourner. »
Des menaces quotidiennes et un sentiment de désespoir omniprésent
Les déplacés du camp expriment une angoisse profonde face aux menaces qui rythment leur quotidien. « Chaque jour, on reçoit des menaces. Parfois ce sont les bandits, d’autres fois ce sont même des gens de l’intérieur du camp », témoigne une vendeuse de nourriture, la voix chargée d’inquiétude. « On vit dans la peur constante. Ce n’est pas seulement la violence des armes, c’est aussi le silence du conseil Presidentiel de transition et le premier ministre Alix Didier Fils Aimer qui nous tue à petit feu. »
Le silence des dirigeants face à ces appels désespérés est particulièrement frappant. Les déplacés, qui ont été relogés dans ces camps suite aux violences des gangs et à des catastrophes naturelles, attendent toujours des promesses d’aide qui ne viennent jamais. « Cela fait plus de deux ans que nous vivons dans ces conditions. Aucune aide concrète, aucun soutien réel. Nous n’avons même pas de sécurité », se plaint un autre leader du camp, sous couvert d’anonymat. « Et maintenant, nous avons perdu Emmanuel, l’un de nos plus grands défenseurs. C’est un coup dur pour nous, un coup dur pour la cause des déplacés. » Le sentiment d’abandon est plus fort que jamais parmi ces déplacés, forcés de quitter leurs maisons suite aux actions criminelles des gangs armés.
Arnold Junior Pierre
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