PubGazetteHaiti202005

Nomination des trois juges à la cour de cassation: Rockfeller Vincent tente de justifier, Jean Renel Sénatus et Youri Latortue scandalisés. 

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La nouvelle administration de Joe Biden a exprimé sa préoccupation suite à l'arrêté présidentiel mettant à la retraite trois juges de la cour de cassation. Pour justifier la décision, le ministre de la justice et de la sécurité publique, Rockefeller Vincent rappelle que le 19 février, le président avait fait choix des trois autres juges sur une liste que lui avait soumise le sénat, dirigé par Youry Latortue, le 30 août 2017. Les deux intéressés ont rapidement réagi pour dénoncer le communiqué. Il s’agit pour eux d’ « une vaine tentative pour justifier la nomination irrégulière des trois juges » sur une liste, disent-ils, « tombée de plein droit ».

 

Le 17 février 2021, la secrétaire adjointe par intérim du Bureau des affaires de l'hémisphère occidental du Département d'État des États-Unis, Julie Chung, s’est dit « préoccupée » par les menaces qui planent sur la démocratie en Haïti. « Je suis alarmée par les récents actes autoritaires et non démocratiques - des révocations et nominations unilatérales de juges de la (Cour de cassation), aux attaques contre des journalistes », avant d’indiquer que « le respect des normes démocratiques est vital et non négociable ».

Contrarié, le pouvoir monte le ton. Le conseiller du président Jovenel Moïse, Patrick Crispin, réplique.
« la nouvelle administration de Joe Biden n'a pas à s'immiscer dans la politique intérieure d'Haïti, qui n'a pas de leçons à recevoir de l'étranger », a fustigé Monsieur Crispin, sur plusieurs médias de la capitale. 

Les États-Unis vont une fois de plus manifester leur support au système judiciaire haïtien. De fait, dans une note publiée le 19 février, l'ambassade des États-Unis en Haïti dit « réaffirmer leur soutien à un pouvoir judiciaire indépendant, sans aucune ingérence de l'exécutif. Une démocratie efficace nécessite un pouvoir judiciaire indépendant, une législative fonctionnelle, un exécutif qui protège le droit de tous ».

Le pouvoir de son côté n'a pas pris encore de temps pour réagir. Le ministre de la justice et de la sécurité publique, Rockefeller Vincent, dans une note, le même vendredi 19 février 2021, souligne à l’attention de la population que « les honorables juges régulièrement nommés à la cour de cassation de la république par arrêté présidentiel en date du 11 février 2021, sont tous les trois tirés, d'une liste soumise par le sénat de la république en date du 30 août 2017 portant les signatures respectives de l'ancien président de la commission justice et sécurité, Monsieur Jean Renel Senatus et du président d'alors, monsieur Youry Latortue ». « Le président de la république a agi, dans le cadre de ces nominations, en strict respect des procédures définies et tracées par la constitution, avec la pleine et entière participation du sénat de la république, sur leadership de l'ancien sénateur susdit », conclut la note.

Les deux noms des sénateurs cités dans cette note se sont empressés de prendre le contre-pied des déclarations du ministre.

L’ancien sénateur Jean Renel Senatus, à travers son bureau, fait savoir que le régime cherche à justifier ses derniers arrêtés. Le bureau du Me. Senatus explique qu'il « est choqué de lire sur les réseaux sociaux, une note portant la signature du ministre de facto de la Justice et de la Sécurité Publique en la personne de Monsieur Rockfeller VINCENT, datée du 19 février 2021, dans laquelle il a fait usage du nom du Sénateur dans la vaine tentative de justifier la récente nomination irrégulière, hors norme et de manière inconstitutionnelle de trois (3) juges à la cour de cassation de la République ». 

Si Senatus admet qu'il y avait vraiment une liste en date du 30 août 2017, toutefois il a tenu à apporter des éclaircissements. « Sur la liste du 30 aout 2017, contenant quatre (4) sièges de trois (3) candidats chacun, quatre (4) Juges ont été régulièrement nommés à savoir Jean Claude THEOGENE, Jean Joseph LEBRUN, Stenio BELLEVUE et Yvickel D. DABREZIL. Ce faisant la liste est tombée de plein droit et en cas aucun candidat ne peut être repêché sur cette liste », précise le sénateur de l'ouest dans cette note.

De son côté, l’ancien sénateur Youri Latortue indique que « le ministre de facto de la justice tente de déplacer le débat pour disculper le président de facto Jovenel Moïse, des graves violations de la constitution auxquelles il s'est adonné ».

Le dirigeant du parti AAA abonde dans le même sens que son collègue Senatus sur la liste du 30 août 2017, tout en rappelant au ministre que l'affaire concerne "l'inamovibilité des juges", « principe fondamentale du pouvoir judiciaire; tel que consacré par l'article 177 de la constitution amendée de 1987: "les juges de la cour de cassation, ceux des cours d'appel, et des tribunaux de première instance, sont inamovibles. Ils ne peuvent destituer que par forfaiture légalement prononcée, ou suspendu à la suite d'une inculpation. Ils ne peuvent être d'affection nouvelle sans leur consentement même en cas de promotion. Il ne peut être mis fin à leur service durant leur mandat qu'en cas d'incapacité physique et mentale permanente dûment constaté ». Pour Youri Latortue, Jovenel Moïse a commis « une violation grave de la constitution et de l'indépendance du pouvoir judiciaire consacrée par les articles 50 et 60. Une telle violation constitue un crime de haute trahison, nécessitant la mise en place de la haute cour de justice ».

D’autres leaders politiques ont également réagi. Pour Me André Michel, le ministre de la justice est un ‘’profane’’. « Définitivement, le ministre de la Justice est un profane. Dire que les 3 juges nommés à la Cour de Cassation sont tirés d’une liste soumise par le Sénat; c’est du bla-bla-bla. L’essentiel c’est que Jovenel Moïse n’a pas le droit de mettre à la retraite des juges inamovibles », ironise Me Michel, Porte-parole du secteur démocratique et populaire.

 

 

 

Par Gazette Haïti

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