PubGazetteHaiti202005

Enomy Germain dénonce un faux « budget de guerre » : le budget rectificatif 2024-2025, ni budget de paix, ni budget de guerre

Enomy Germain, économiste

Alors que le gouvernement parle d’un « budget de guerre », l’économiste Enomy Germain y voit un habillage trompeur d’un document budgétaire inapte à répondre aux urgences du pays. Il critique les priorités du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et souligne l’absence de volonté politique pour sortir le pays de la crise sécuritaire et économique.

Dans une interview exclusive accordée au journal Gazette Haïti News ce lundi 2 juin 2025, l’économiste haïtien Enomy Germain a vivement critiqué le budget rectificatif 2024-2025. Présenté comme un « budget de guerre » par le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) — mis en place après la démission de l’ancien Premier ministre, Dr Ariel Henry — ce document serait, selon lui, totalement inadapté à la gravité de la situation actuelle.
« Ce budget n’a rien à voir avec une guerre. Ce n’est même pas un budget de temps de paix, encore moins un budget de guerre », affirme-t-il sans détour.

Certes, les allocations pour la Police nationale d’Haïti (PNH) et les Forces armées d’Haïti (FAd’H) ont été revues à la hausse. Le budget de la PNH a connu une augmentation de 9,8 %, atteignant 32 milliards de gourdes, tandis que celui des FAd’H a progressé de près de 20 %. Mais pour l’économiste Germain, ces augmentations, bien que symboliquement importantes, restent isolées et inefficaces sans un plan global cohérent.
« Il ne suffit pas d’augmenter les fonds alloués aux forces de sécurité** ;** encore faut-il savoir les gérer efficacement et dans un cadre de gouvernance rigoureuse », affirme-t-il.

L’économiste s’étonne que des institutions comme la Présidence, aujourd’hui incarnée par un Conseil Présidentiel de Transition, aient vu leur budget croître de 15 %, tandis que celui de la Primature augmente de 21 %. Pire encore, selon lui, certains ministères non essentiels à la gestion de crise, comme celui du Tourisme, bénéficient également de hausses budgétaires.
« Ce n’est pas un budget de guerre, et on ne peut pas l’appeler ainsi », insiste Enomy Germain. Selon lui, dans un contexte de crise aiguë où la priorité nationale devrait être la sécurité, il est incohérent que le Conseil Présidentiel de Transition et le gouvernement allouent d’importantes ressources à une vingtaine de ministères, y compris le ministère du Tourisme.
« Quelle est la pertinence d’un tel ministère dans une situation d’urgence sécuritaire et humanitaire ? », s’interroge-t-il.

Au-delà de la structure budgétaire, Enomy Germain tire la sonnette d’alarme sur l’état général de l’économie haïtienne.
« Nous nous dirigeons vers une septième année consécutive de croissance négative. C’est une situation inédite dans l’histoire moderne d’Haïti », explique-t-il, préoccupé.
Il insiste : « Tant que l’insécurité ne sera pas résolue, rien ne pourra redémarrer. La population est prise en otage, les investissements sont impossibles, et le tissu social se déchire. »

Selon lui, le problème principal ne réside pas uniquement dans les montants alloués, mais surtout dans leur gestion. Il doute que le gouvernement actuel ait la compétence ni la volonté nécessaires pour assurer une gestion efficace des fonds publics.
« Ce gouvernement n’a ni l’intelligence stratégique ni la volonté politique pour résoudre cette crise. Le pays est en train de s’effondrer, et le CPT ne fait qu’y contribuer », lance-t-il avec amertume.

Face à ce qu’il qualifie de faillite institutionnelle, Germain appelle à réfléchir à une alternative sérieuse.
« Il faut chercher ailleurs, car la solution ne viendra pas de l’intérieur du CPT. Ce Conseil est animé par une seule mission : l’enrichissement personnel. »

Il évoque même l’arrivée controversée de forces étrangères comme Blackwater, dont les opérations « manquent de planification » et soulèvent de nouveaux problèmes de légitimité et d’efficacité.

 

 

Par Arnold Junior Pierre

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