PubGazetteHaiti202005

Choléra à Port-au-Prince : les déplacés dans les camps en détresse sanitaire, les déplacés internes lancent un cri d’alarme aux autorités

@Arnold Junior Pierre

Dans un contexte d’extrême précarité, les déplacés internes installés dans plusieurs camps de Port-au-Prince font face à une recrudescence de cas suspects de choléra. En l'absence d'hôpitaux fonctionnels dans la capitale, ces familles abandonnées à elles-mêmes demandent l’intervention urgente de l’État haïtien.


A Bourdon, au camp OPC, l’inquiétude est palpable. Depuis plusieurs jours, les cas de diarrhée aiguë et de vomissements se multiplient. « Mwen te pase dis jou ap soufri ak vant fè mal, dyare, epi mwen pa t jwenn okenn doktè pou wè mwen », raconte une dame visiblement affaiblie, allongée sur un morceau de carton. Elle vit ici avec ses trois enfants depuis qu’elle a fui les violences armées à Carrefour-Feuilles.

À quelques kilomètres de là, dans les abris précaires du lycée Marie-Jeanne à Bois Verna, la situation n’est guère différente. Là aussi, les conditions d’hygiène sont catastrophiques : pas de latrines, pas d’eau propre, pas de service de ramassage d’ordures. « Se chak maten nou leve ap jete dlo sale bò kote nou pou nou pa respire move sant », témoigne un jeune déplacé qui dit n’avoir pris aucun bain depuis quatre jours.


Un peu plus loin, au camp de la Communication, la peur gagne les familles. Une mère de six enfants montre les bouteilles en plastique qu’elle utilise pour récupérer l’eau de pluie. « Nou pa gen chwa, se sèl dlo sa nou bwè », dit-elle.

Selon le dernier rapport du Ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), relayé par la Direction Sanitaire de l’Ouest (DSO), 21 nouvelles admissions de cas suspects de choléra ont été enregistrées entre le 13 et le 22 avril 2025 dans cinq centres de traitement de la région métropolitaine.

Mais ces chiffres, «  sous-estimés », selon plusieurs habitants, ne reflètent pas la réalité des camps. Au camp OPC, par exemple, un messieur de la gestion de la sécurité affirme que rien que cette semaine, 17 personnes ont été transportées d’urgence à l’hôpital pour des symptômes évocateurs du choléra. « Gen ladan yo ki soufri ak dyare ak vomisman grav. Youn nan doktè yo di nou li kwè se kolera. Men nou pa gen konfimasyon, e nou pa jwenn okenn lòt nouvèl sou sa », affirme-t-il.

L’absence d’hôpitaux fonctionnels à Port-au-Prince complique encore plus la situation. Depuis la fermeture partielle de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), les familles doivent parcourir de longues distances dans un climat d’insécurité pour obtenir des soins.

« Nou santi nou lage. Pa gen moun ki vin wè nou, pa gen dlo, pa gen medsen. Si nou pa mouri ak kolera, se ak mizè nap mouri », déclare, la voix tremblante, une femme âgée rencontrée au camp de Bois Verna.

L’épidémie de choléra, ravivée par des conditions de vie dégradées, met en lumière l’abandon total de milliers de déplacés internes. Loin des caméras et des discours officiels, ces Haïtiens vivent dans un silence oppressant, pris au piège entre la misère, l’insalubrité et la peur.

Malgré les alertes répétées, les réponses gouvernementales restent timides. Aucun dispositif d’urgence sanitaire n’a encore été déployé dans les camps les plus touchés. Les ONG, elles aussi, peinent à intervenir, souvent bloquées par l’insécurité ou par manque de moyens.

« Se pa sèl kolera ki touye. Se neglijans, se grangou, se oubliyé », résume un père de famille du camp OPC, le regard perdu dans le vide.


Arnold Junior Pierre

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