
Le dossier de la plainte pour « plagiat » du célèbre musicien haïtien Fabrice Rouzier contre le chanteur franco-haïtien Joe Dwèt File, l’artiste nigérian Burna Boy et co pour la chanson « 4 Kampe », est une très mauvaise nouvelle pour la musique haïtienne, le compas en particulier. Selon un article publié par Peoples Gazette le 24 avril 2025, Rouzier accuse les deux artistes d’avoir utilisé sans autorisation la composition musicale, les paroles et les éléments visuels de son titre Je Vais, paru en 2002. En effet, c’est une chanson traditionnelle interprétée bien avant Haïti Troubadour par plusieurs groupes dont les Frères Dodo, pour citer le plus connu.
Sans vouloir entrer dans le fond du sujet qui concerne le « Respect du droit d’auteur », ce qui se joue dans cette affaire, c’est que ce procès pourra avoir de sérieuses répercussions sur le rayonnement spectaculaire dont bénéficie actuellement notre musique grâce à la chanson 4 Kampe de Joe Dwèt Filé, boostée par la participation de Burna Boy sur la version 2.
D’aucuns s’appuieront à raison sur l’importance de la question de la priorité intellectuelle pour justifier le bien-fondé de la démarche du maestro de Mizik Mizik. Ils évoqueront sûrement le droit entier de Rouzier de vouloir défendre son droit. Mais il y a des moments où l’intérêt supérieur étant aujourd’hui la promotion du Compas appelle au dialogue et à l’entente. Et cette invitation à des discussions entre les parties, particulièrement Rouzier et Joe Dwèt File peut être facilitée par des personnalités du milieu qui pourraient servir d’intermédiaires.
Au lieu de chercher ce lui qui a tort ou raison et de souffler sur les braises, on ferait mieux de privilégier la conciliation. Notre pays est déjà assez divisé, faisons en sorte que ce dossier, légitime soit-il, ne vienne le fracturer davantage. Dans cette histoire, il n’y pas lieu d’être pour ou contre en alimentant les clivages. Avant toute chose, il s’agit d’Haïti et de notre culture.
Il y a moyen de corriger les erreurs avec, des deux cotés, de la bonne foi et un esprit patriotique. Nous mettons ici l’accent sur ces deux artistes car ce sont les deux premiers protagonistes: Fabrice Rouzier, auteur de « Je vais » et Joe Dwèt File, celui de « 4 Kampe », par qui le scandale est arrivé, dirait-on. Étant tous les deux Haïtiens, les liens patriotiques peuvent plus facilement les conduire sur le terrain de l’entente en évitant un procès au tribunal. Ce qui risque d’avoir un impact néfaste sur notre musique, peu importe le gagnant. D’autres artistes internationaux, d’autres grandes maisons de disque, etc, pourraient se montrer encore plus réticentes vis à vis du Compas qui est entrain de prendre sa vitesse de croisière, l’espace d’une chanson. En une semaine environ, le compas a foulé les plus grandes scènes d’Europe. On fait référence à la présence de Joe Dwèt File aux côtés de la super star américaine Usher à Accor Arena lors de son concert. Quelques jours plus tard, il a rejoint au stade de France la star nigériane Burna Boy pour interpréter 4 Kampe II devant près de 100 mille personnes avant d’offrir le même spectacle à Londres.
Du train que cela tourne un peu partout dans le monde, « 4 Kampe » est bien parti pour être l’un des meilleurs titres mondiaux de l’année avec des prix à la clé. Évitons de casser cet élan, celui de notre musique, le Compas direct de Nemours-Sicot.
Fabrice Rouzier, faut-il le souligner, est dans son droit d’intenter une action en justice s’il s’estime lésé. Il peut gagner devant les tribunaux au cas où les faits reprochés auraient été prouvés. Il peut gagner beaucoup, financièrement mais le Compas risque de perdre gros et de prendre beaucoup de temps avant de trouver, par clémence de la nature, un autre artiste de la trempe d’un Joe Dwèt File pour le placer là où il se trouve aujourd’hui.
Que les deux parties soient animées de sagesse et de la force de l’unité de nos ancêtres qui ont fait 1804 pour le bien de notre musique.
Par Albert-Edner Georges
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