PubGazetteHaiti202005

Publication, mardi 19 janvier, du rapport thématique 2020 du CARDH, sur les droits humains en Haïti : le tableau est accablant

Gédéon Jean, resp CARDH

Dans ce document qui traite des violations des droits humains dans leur globalité et les facteurs qui y concourent, le CARDH dresse un tableau très sombre de la situation des droits humains dans le pays.

« L’Etat des droits humains en 2020 est particulièrement marqué par la hausse vertigineuse de la criminalité, notamment le kidnapping, le démantèlement du corpus juridico- institutionnel et les constantes violations des droits humains », conclut ce rapport de 54 pages à travers lequel le CARDH présente une analyse approfondie des droits socio-économiques, civils et politiques. Sur le plan économique, l’organisation de défense des droits humains critique le fait que les budgets 2019-2020 et 2020-2021 n’ont pas servi à l’amélioration des conditions de vie de la population, mais s’inscrivent dans une logique de consolidation de la corruption et de gaspillage des deniers publics. « Explosion du service de la dette (14 milliards de gourdes en 2018 ; 20 milliards en 2019 ; 46 milliards en 2020) ; déficit budgétaire (42.9 milliards de gourdes) ». S’agissant de la corruption en 2020, l’état d’urgence a été une vaste opération de corruption durant l’année 2020, selon le CARDH. Trente contrats totalisant 27 millions de dollars américains ont été exécutés sans avis de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA), dénonce l’organisation.

Le CARD souligne également que les efforts de la Banque de la République d’Haïti pour l’appréciation de la gourde n’a pas eu le booste économique escompté, renforçant, au contraire, la précarité de la population déjà en difficultés. De plus, la hausse spéculaire du kidnapping a donné un coup de massue aux pauvres familles et à la « classe moyenne » devant verser de fortes sommes d’argent (jusqu’à 200 mille dollars américains) pour la libération d’un kidnappé.

En ce qui a trait aux droits civils et politiques, le CARDH fait remarquer que la non-tenue des élections législatives et locales en 2017 et 2019, ainsi que celle d’octobre 2020 pour élire le 59ème Président de la république, est aussi une violation du droit de vote de la population consacré par Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention américaine relative aux droits de l’homme auxquels l’État haïtien est partie, ainsi que des articles 134-2 et 239 de la Constitution et du décret électoral du 2 mars 2020. « Les brutalités policières (usage de la force, processus de création du SPNH, terreur du groupe Fantòm 509…), au moins 297 assassinats - dont 257 par balle-, 26 policiers tués (24 par balle et 2 assassinats), au moins 796 kidnappings, ainsi que la fédération du G9 en Fanmi e alye2 contrôlant au moins 35% du territoire électoral et l’organisation du kidnapping sur presque tout le territoire » aggravent la violation des droits civils et politiques, dit le rapport.

Le CARDH poursuit en expliquant que « le dysfonctionnement du Parlement, provoqué par le Président Jovenel Moïse, et l’inexistence quasi-totale de la Justice consacrent l’érosion du processus de construction de l’État de droit en Haïti et anéantissent les acquis démocratiques post 86. Aujourd’hui, le Président s’approprie tous les pouvoirs de l’État. Il s’érige en Exécutif législateur, une violation du droit de vote des citoyens et des principes démocratiques, notamment la séparation et l’indépendance des pouvoirs de l’État. Il a pris 41 décrets et 120 arrêtés pour l’année 2020, dont trois portant sur : un nouveau code pénal (décret du 24 juin 2020) ; un Conseil électoral provisoire avec pour mission d’organiser un referendum pour amender la Constitution (arrêtés du 5 janvier 2021) ; un service d’intelligence (ANI) (décret du 26 novembre 2020). 

Concernant la justice, le CARDH a dit noter une quasi-totale inexistence de la justice durant la période observée. « A peine sortie du « lock » de 2019, la Justice a été obligée de fermer ses portes avec l’état d’urgence déclenché par la COVID-19. Puis, des grèves en cascade se sont succédé : juges, greffiers, commissaires du gouvernement. Parallèlement, la Cour d’appel n’a pas siégé. La situation carcérale a empiré. Des détenus meurent de faim et de maladies chroniques (cela est souvent caché). Ceux en attente d’être jugés sont de plus en plus nombreux (10.9743 ). Les décès avoisinent 100. Dans certains centres, on pratique la torture physique et morale. À la « prison » de Mirogoâne, les détenus restent dans leur cellule durant toute la détention, y faisant même leurs besoins ».

L’impunité dans le pays est à un point tel que le droit à la sécurité et à la justice est le cadet des soucis des décideurs. « Le G9 en fanmi et alye contrôle, à lui seul, en moyenne 36 % de l’électorat national. Une alliance avec le BSAP, soutenue par les délégations et vice-délégations, permettra au pourvoir de contrôler plus de 80% de l’électorat et de se renouveler », décrit l’organisation. Elle insiste pour dire que cette criminalité spectaculaire doit être comprise dans sa complexité mais surtout dans une perspective politico-électoraliste et économique, par-delà des violations du droit à la vie et des grandes libertés dénoncées (droit de manifester…). Le CARD croit qu’un sérieux et profond désarmement touchant les vrais criminels s’impose. Cela permettra, fait-il remarquer, d’éviter au Parlement d’être une administration publique narco-criminelle (protection des criminels, blanchiment de l’argent du kidnapping, de la drogue et d’autres trafics).

 

 

Par Diego O.Charles

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