
Dans une publication diffusée sur son compte X ce 15 mai 2025, Claude Joseph, ancien ministre haïtien des Affaires étrangères, ex-Premier ministre et leader du parti Les Engagés pour le Développement (EDE), a vivement critiqué le président dominicain Luis Abinader. Il l’accuse d’instrumentaliser la crise haïtienne à des fins politiques internes et internationales.
« Luis Abinader a choisi sa stratégie : gouverner en pointant du doigt. Gouverner en diabolisant. Gouverner en transformant la crise haïtienne en épouvantail politique », écrit Claude Joseph, qui figure parmi les personnalités haïtiennes sanctionnées par les autorités dominicaines pour ses positions.
Dans ce message, l’ancien chef de la diplomatie haïtienne déplore le manque de coopération entre les deux pays et fustige une logique de rejet systématique d’Haïti. « Plutôt que de promouvoir une coopération équilibrée entre les deux pays de l’île, il a opté pour le rejet, l’exclusion et la stigmatisation », affirme-t-il, dénonçant un discours dominant en République dominicaine où Haïti est perçue « comme un fardeau, une menace, une anomalie à contenir ».
Claude Joseph qualifie cette stratégie de « posture délibérément construite », estimant que le chef d’État dominicain tire profit de la situation. « Abinader sait que tant que Haïti sera perçue comme instable, il pourra apparaître comme indispensable. […] Cette stratégie du bouc émissaire lui permet de détourner les regards des défis internes, de mobiliser les passions nationalistes et de renforcer son poids sur la scène internationale », ajoute-t-il.
L’ancien Premier ministre conclut son propos en dénonçant une « entreprise de déshumanisation ». Il accuse le gouvernement dominicain de piétiner les droits fondamentaux des Haïtiens. « Haïti n’est pas un partenaire : c’est devenu, dans la logique d’Abinader, une menace à instrumentaliser », déclare-t-il.
Ces déclarations interviennent dans un contexte de tensions persistantes entre Port-au-Prince et Saint-Domingue, notamment sur les questions migratoires et sécuritaires.
Une politique migratoire renforcée en début avril dernier cible les femmes migrantes en République dominicaine. Menacées d’expulsion, elles fréquentent rarement les centres hospitaliers. Quant aux jeunes hommes, ils subissent des violences — jets de pierres et passages à tabac — perpétrés par des agents de l’immigration qui pourchassent les migrants haïtiens partout.
Le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) déplore ce 15 mai les violences et humiliations subies par les migrantes haïtiennes, notamment enceintes, en République dominicaine. Il rapporte même le cas d’une Haïtienne nommée Lourdia, morte chez elle lors d’un accouchement, par crainte de se rendre à l’hôpital pour éviter la déportation.
La publication du numéro 1 du parti EDE survient après que, le 14 mai 2025, le président dominicain Luis Abinader a réuni ses trois prédécesseurs — Leonel Fernández, Hipólito Mejía et Danilo Medina — pour discuter de la crise haïtienne. Selon le Listín Diario, qui cite un communiqué de la Présidence dominicaine, ils ont convenu de créer des groupes de travail bilatéraux afin d’élaborer une politique nationale coordonnée envers Haïti. Quatre décisions clés ont été prises : établir des espaces de travail conjoints, convoquer le Conseil économique et social, informer régulièrement les anciens présidents sur la sécurité nationale et adopter une politique étrangère commune face à la situation haïtienne.
Du côté d’Haïti, on ignore pour l’instant les stratégies que les autorités gouvernementales entendent adopter face à la dernière position de l’administration de Luis Abinader.
Wideberlin Senexant
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