
Délogées par la violence des gangs, des dizaines de familles réfugiées dans un camp à Delmas 19 ont organisé une marche pacifique dimanche 18 mai 2025 a l'occasion du 222e anniversaire de la fête du drapeau, brandissant fièrement le bicolore haïtien. À travers leurs chants et leurs slogans, elles lancent un appel pressant au conseil présidentiel de transition et au gouvernement pour un retour à la sécurité dans leurs quartiers d'origine.
En cette journée symbolique pour le pays, marquant la fête de notre bicolore, ce ne sont ni les discours officiels ni les fanfares militaires qui ont retenu l’attention, mais les voix d’enfants et de familles déplacées, vivant depuis plus de deux ans dans des camps d’hébergement.
Rassemblés principalement dans le camp de l’ISBACOM à Delmas 19, des déplacés de Solino, Delmas 30, Nazon et d’autres quartiers ont fait entendre leur douleur. Hommes, femmes et enfants portaient des maillots blancs ornés du drapeau haïtien. Dans les mains des tout-petits, des petits drapeaux flottaient, silencieux mais puissants. « Nou mande Leta sekirite pou nou ka tounen lakay nou », chantait la foule en chœur.
Parmi les manifestants, de nombreux enfants. Certains, trop jeunes pour comprendre toutes les raisons de leur présence, ont pourtant répété les messages portés par leurs parents. D'autres, plus conscients, n'ont pas hésité à exprimer leur souffrance. Defaille Brisly, un petit garçon brandissant un drapeau blanc, a déclaré simplement : « Nou ap viv mal nan kan. »
Une fillette, émue, a quant à elle interprété le symbole de son drapeau ainsi : « Drapeau blan sa a, se inosans mwen li ye, devan tout sa k’ap pase nan peyi a. »
Les conditions de vie dans les camps sont décrites comme extrêmement précaires. L’accès à l’éducation est quasiment inexistant, et même les soins de base sont rares. « Se sèlman Lakwou Wouj ki vin ban nou ti swen. Se tankou moun ki ap direje peyi a bliye nou, Menm yon plat cho, nou pa janm jwenn », déplore Watson Moïse, un déplacé originaire de Solino.
Johnny Postère, un autre manifestant, confie son désespoir : « Nou gen plis pase 2 zan depi nou ap viv nan lari. Se pou sa nou mache jodi a, pou mande sekirite. Se sèl bagay nou bezwen nan moman an. » Ces dernières semaines, les averses se sont abattues sur la capitale, rendant la vie dans les tentes encore plus pénible. La boue, l’humidité et les risques sanitaires aggravent la détresse des familles déjà fragilisées. Dans le camp de Delmas 19, beaucoup n’ont qu’un seul souhait : retrouver la paix pour pouvoir rentrer chez eux, reconstruire leur vie et offrir un avenir meilleur à leurs enfants. « Nou pa mande anyen nan men dirijan yo. Sèlman sekirite pou n ka tounen lakay nou », martèle Johnny Postère, avec une fermeté tranquille.
À noter que pendant que des familles déplacées défilaient dans les rues de Delmas pour réclamer leur droit à la sécurité, la cérémonie officielle de la fête du drapeau se déroulait en grande pompe dans la ville du Cap-Haïtien. L’organisation de cet événement a mobilisé un budget estimé entre 300 et 400 millions de gourdes.
Par Arnold Junior Pierre
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