PubGazetteHaiti202005

MAGUET DELVA DANS SES ŒUVRES POETIQUES

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Ah le talent ne connaît ni année ni saison pour s’éclore, il suffit d’une étincelle pour mettre le feu à l’imaginaire débordante d’une personne dont le métier est de comptabiliser les faits d’actualité. Si tous les chemins mènent à la poésie en tant que genre capable de projeter un individu devant la scène, il faut reconnaître que Haïti vient d’ajouter à sa longue liste un autre poète qui certainement fera parler de lui dans les années qui viennent. Je veux parler de Maguet Delva dont la puissance créatrice est confirmée si elle avait besoin par ce nouveau recueil de poésie qui ne contient pas moins de 120 poèmes, un exploit dans ces genres de publications.

Le recueil s’ouvre sur une dédicace à une figure de proue de la vie intellectuelle haïtienne à Paris malheureusement passé à l’orient éternel le révolutionnaire et écrivain Gérald Bloncourt. En six lignes, l’auteur campe un Gérald Bloncourt aux creux de sa révolte, comme pour rendre un hommage à cet homme qui fut de tous les combats pour une Haïti meilleure. Savourons-le avec abnégation, car ça vaut largement le détour. Évidemment nous ne nommerons pas tous les poèmes qui nous plaisent car il faut laisser le temps aux lecteurs de découvrir le poète dans son œuvre. Camper ainsi le photographe dans ses œuvres par des images et des métaphores scintillantes de couleur voilà qui allait sans aucun doute plaire à Gerald lui qui avait vécu dans l’obsession d’une Haiti renaissante en tout. 


                   A
Gérald Bloncourt
Camarade, notre bateau est à quai
Mais personne pour le décharger
Car il n’y a rien dedans
Que la langueur des lambeaux de notre cœur fatigué
Des atermoiements de nos blêmes crépuscules
            Qui se fracassant
Sur de grandes enjambées insignifiantes
Rien, rien que des balivernes
Formulées sur des estrades. 

En parcourant ces poèmes en les relisant à plusieurs reprises afin de pénétrer la profondeur des sens accordés aux mots nous pouvons ici affirmer que Notre collègue et frère Maguet Delva vient encore de frapper si vous avez lu « les palais du chagrin » vous apprécierez sans aucun doute « l’énigme des adieux » Une description de Port-au-Prince à couper le souffle tant et si bien métaphoriser avec une élégance de style qui captive à tout bout de champ. Le poète n’a jamais été aussi prêt de son art, quand il décrit la ville meurtrie, ce quel que soit la manière dont l’originaire de Petite Rivière de l’Artibonite pose son regard sur Port-au-Prince, il tombe à pic avec des précisions dans les dédales de nos actualités. Comme ce petit bijou dont on a envie de le réciter devant un auditoire attentif tant il charrie notre mélancolie, notre amertume, nos désappointements. Même si vous n’avez jamais visité Port-au-Prince cette description verticale que nous offre le poète équivaut à une visite guidée où les images sont superposées l’une à l’autre pour créer des réalités de mouvements métaphoriques. Comment ne pas être captivé, émotionner en un mot rester bouche bée devant ce portait en filigrane de ce petit cireur de chaussures imbriqué dans l’un des plus beaux poèmes du recueil. L’auteur peint avec humanité les laisser pour compte de son pays, on sent bien qu’il est en osmose avec eux car tant de précisions pour établir un portait en quelques lignes ne sont  pas le fruit du hasard mais celles d’une adhésion sociale de tous les instants. Allez lisez plutôt car Port au Prince n’a été aussi bien décrite avec ses blessures purulentes mais  la fiction poétique de Delva lui a dressée une couronne de beauté qui mérite que l’on s’attarde 

L’aube s’est levée sur Port-au Prince
Avec le vol des pigeons
En contre bas de la rue du centre
Le soleil mièvre déploie sa grande carapace
Exhibant son butin
La sueur des hommes
Circulant sur leurs chemises blanches
Du dimanche vespéral
Les petits cireurs de chaussures
Aux mines sympathiques
Armes de cloches
Et de leurs infinies courtoisies
S’affairent comme ils peuvent
Pour attraper un dégoudin.

Tout est dit sublimé, cadencé avec des sonorités qui causent à nos oreilles. Maguet Delva observe et écrit avec élégance et une grâce infinie murie de références sensorielles où l’actualité est au rendez-vous à chaque page. Encore un autre bijou qui fend cette fois nrl’omoplate de celles et ceux qui entendent parler du Venezuela sans s’arrêter la magie de Delva se tient toujours dans cette description verticale de nos actualités loin d’être réjouissantes. Le diplomate met son art au service des causes conformément aux génies fondateurs de son pays, parler ainsi du Venezuela par les temps qui courent c’est faire preuve sans aucun doute de courage. Poésie, diplomatie voilà la martingale qui nourrit les stances poétiques engagées de l’auteur. Ce faisant, il est sur les traces de nos célèbres devanciers comme Masillon Coicou, Pierre Faubert  fils, Constantin Mayard, Georges Sylvain qui officiaient à Paris comme diplomates le jour  et accoucher leur plus beaux vers la nuit avec les pieds dans les tapis de leurs tables. Tant de poètes diplomates haïtiens sont passés par Paris Ils avaient   fait  le bonheur de notre diplomatie en un temps où c’était un vrai sacerdoce de patriotisme de nationaliste le plus accompli qui soit.  Mais tout se déglingue comme on le sait par les temps qui courent tout foutre le camp. Ah ce poème consacré au protocole diplomatique prouve si besoin est que l’auteur est loin d’être un amorphe
une description verticale d’un somptueux dîner diplomatique où le poète croque avec élégance faits et gestes de ses hôtes le tout avec des sublimes métaphores pour mieux dénoncer l’hypocrisie inhérent à ces genres de rencontres   
 De protocole en protocole surannés de mansuétude
Le majordome au corps allongé
De précisions, d’aptitudes élégantes    
Se désaltérant dans de lourdes mimiques éloquentes
S’en va distribuer des places
Avec parcimonie
Aux convives méritants
Des places d’honneur et d’attention
La petite musique diplomatique
Dégaine du Mozart avec variation
Dans les entrailles des commensaux
Aux toilettes parfaites
La chute est encore plus sublime, plus drôle, plus engagée avec un message politique qui prend le contrepied de la diplomatie froide. Il faut sans cesse jongler avec la nécessité de dire sa vérité poétiquement ne pas enfreindre les lois de la diplomatie. Une acrobatie qui accouche en tout cas de beaux vers et de belles images
Et quand viennent les toasts d’usage
Aux paroles stupéfaites d’hypocrisie
Le bruit des couverts s’est estompé sec
Comme des arrêts de poissons
Dans des gorges nouées par des échecs

Dans chaque poème s’élève une fresque métaphorique qui a du mordant. Un autre poème qui brille d’audaces et de cosmopolitisme, qui nous fixe et nous projette vers des horizons insoupçonnés. La Méditerranée qui déverse sur ses plages le corps de celles et ceux qui sont nés du mauvais côté de l’histoire. Il fallait mettre des mots sur nos maux afin de panser les blessures de celles et ceux qui terminent leur vie dans les dents des requins. Avec des images et des métaphores choisies le désastre qui se joue dans la Méditerranée préoccupe notre poète et c’est encore avec humanité qu’il peint ces nouveaux damnés de la terre. Ces frères africains obligés de laisser leurs villages enquête d’une vie meilleure 
D’où viens-tu mon frère 
La Méditerranée est désormais 
rouge de ton sang, olfactif 
Dans ses flancs 
les squelettes de ceux qui portent les mêmes calcanéums que moi
Quand arriveras-tu ?  Dans  quel Port tes souffrances débarqueront 
Quand embrasseras-tu les plages désertes de tes lèvres angoissées 
Que dirais-tu de l’europe si jamais tu avais pu débarquer 
Que pourrais-je t’offrir pour aplatir tes souffrances 
Tes frêles embarcations aseptisent les dents de requins 
L’Afrique agonise comme une crevasse sans fin 
Si tu veux mon frère 
donnes moi 
Un sourire exquis 
Et des accolades humaines et non diplomatiques 
Viens t’asseoir à ma table 
Fraternellement 
Montres moi tes blessures 
De toutes les blessures que des hommes infligent à d’autres

 

BLIN ISAAC 

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