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LA DIPLOMATIE N’EST PAS UN DINER DE GALA DE CLAUDE MARTIN MEMOIRES D’UN AMBASSADEUR PARIS-PEKIN- BERLIN

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PORT-AU-PRINCE, Le 28 Septembre 2019
(www.gazettehaiti)

 

Ah « la diplomatie n’est pas un dîner de gala » de Claude MARTIN Ambassadeur de la République Française en Chine et à Berlin est un livre de mémoires allant de 1950 jusqu’en 2000. L’ancien étudiant de l’école nationale d’administration ( ENA et des langues orientales ( INALCO) a quasiment tout vécu et tout vu en matières de relations internationales: Les balbutiements de la guerre froide avec ses cocktails de guerres de procurations qui ont ensanglanté le tiers monde, l’ex-Union soviétique et les États Unis d’Amérique comme parrains.

 

Les rivalités Sino-soviétiques. Ces quatre paramètres constituent des socles théoriques omniprésents dans les mémoires de l’ancien Ambassadeur de France à Pekin. Tout décor diplomatique dans lequel travaillait un diplomate avec ces paramètres qui pour tout étudiant en relations internationales, est un passage quasiment obligé pour appréhender le monde tel qu’il se déploie sous nos yeux. Pour Claude MARTIN l’apprentissage de l’humanitaire était double voire triple. Institut d’études politiques sciences po L’ENA et langues orientales. Voilà pour la formation académique, d’ailleurs même dans l’écriture, on reconnaît un ancien élève de L’ENA,  ce fameux raisonnement en trois points qui sert à la fabrication des fameux gallos d’essais, points focaux de toutes réflexions socio-politiques en France. 


Quand survinrent les répressions contre les étudiants qui avaient occupé la place Tien-Amen en 1990 à Pékin l’ex-Ambassadeur au pays du soleil levant à tout vu et tout écrit et le Quai d’Orsay à tout compris, pas moins des milliers de câbles diplomatiques en faisaient foi. Ce qui est fort intéressant dans cet ouvrage de plus de 600 pages, c’est la manière dont l’auteur met en scène les théories et les pratiques diplomatiques d’une manière pédagogique, on dirait un guide de bon usage dans une mission diplomatique même si parfois on sent bien que l’auteur est encore dans ses codes diplomatiques en analysant et dire ses vérités du bout des lèvres comme s’il avait peur de dire une parole de trop pour ne pas provoquer une crise diplomatique. 

Telle est en effet la peur de celles et ceux qui sont témoins des faits et que le jour viendra de les coucher sur du papier pour témoigner ont pris de panique, méditant avec effroi, est ce que le public va me croire car ce qui est dit là, est tellement énorme gros, cela susciterait de la méfiance. D’une manière méthodique l’auteur analyse chaque période. D’ailleurs le livre est divisé en période ce qui correspond à dix au total. En tout cas, assez pour faire un tour d’horizon complet de la planète diplomatique.

LES THÉORIES DIPLOMATIQUES COMME MÉTHODES DE TRAVAIL

 L’auteur s’est astreint à cette tâche avec un bonheur infini en avançant dans ses dossiers diplomatiques distillant en passant ses témoignages avec un regard averti surs les hommes et les choses. Au fur et à mesure que l’on avance sur cet ouvrage, on réalise que certains chapitres ne sont accessibles et compréhensibles que pour les initiés, ce qui explique un certain langage codé. Claude MARTIN a du mal à sortir de sa carapace de diplomate c’est dommage car son témoignage aurait pu être intéressant et instructif à la fois notamment sur les guerres industrielles que se livraient les européens et américains en terre chinoise. C’est là qu’interviennent les auxiliaires de la diplomatie l’armée et le service intelligence économique. Par les temps qui courent et si l’on en croit l’auteur le service intelligence est devenu quasiment le poste le plus alléchant et convoité dans une mission diplomatique car la mondialisation est passée par là. Ah Claude MARTIN n’est pas un de ces gauchistes français qui peuplaient les couloirs du Quai d’Orsay qui vont et viennent dans les pays étrangers comme Ambassadeurs , Premiers secrétaires, Ministres conseillers etc. Non c’est un homme de droite un vrai, un fervent gaulliste qui prône ses offices de diplomate dans une histoire ou le sacro-saint principe de la fonction publique française type Quai d’Orsay est respecté et appliqué à la lettre. Il est loin de ces diplomates français rebelles qui allaient à l’encontre de leur hiérarchie en jugeant que par leur conscience. Ainsi un Jean Christophe Rufin au Sénégal face l’ancien Président Sénégalais Abdoulaye Wade est du jamais vu dans les annales diplomatiques françaises. Il en est de même pour Michel De La Fournière en Haïti en 1987 face au régime militaire du Général Namphy. Les orthodoxes du Quai d’Orsay ont parfois donné tant de sueurs froides à leur hiérarchie par leurs comportements ont pu mettre la politique officielle française en grande difficulté. C’est un livre que toutes celles et ceux qui gravitent dans le champ de la diplomatie devraient lire en effet, il restitue d’une manière fidèle ce que nous devrions faire ou ne pas faire dans l’exercice de nos fonctions respectives. En filigrane cet ouvrage donne des recettes dans l’art de négocier où encore comment peut-on devenir performant dans l’art de gérer des relations diplomatiques à caractère bilatéral.

DIPLOMATIE : ART OU MÉTIER
 
Comme on dit dans le langage diplomatique,  il s’est déchargé avec grâce et des munitions diplomatiques à partager dans tous les domaines de cette étrange profession que certains éminents diplomates blanchis se plaisent encore à dire qu’elle est plus un art qu’un métier. Qu'importe l'absence de diners de gala auxquels l'ex ambassadeur ne fait pas allusion dans son ouvrage, Michel Martin veut surtout nous mener  à comprendre le processus , la démarche,  qui progressivement a éconduit  la diplomatie traditionnelle pour donner  naissance et laisser place à quelque chose de nouveau que nous qualifierons d'hybride  et donc insaisissable. Le  lecteur en se fiant au titre de l'ouvrage a de fortes chances de tomber dans le piège de l'auteur, en effet Michel Martin est loin de nous décrire des scènes  de diners  auxquels sont coutumiers les diplomates qui,  de chancellerie  en chancellerie vous invitent à manger  des petits fours bien alignés avec,  bien exposés en évidence, sur la table,  le fanion du pays hôte. L’objectif de l' auteur  étant bien entendu celui  d’instruire d' édifier le lecteur sur ce qu'est-ce un diplomate. Le passage obligé du quai d'Orsay constitue la première étape, celle qui fournit des munitions à cette énarque :

« J’avais une image assez confuse du monde des ambassades. Que faisait on au juste, dans les salons dorés ou se prélassaient, à travers le monde, les représentants de la République ? Avait-on encore besoin des ambassades et des ambassadeurs ? Les dirigeants des grands pays se connaissaient, ils se rencontraient de plus en plus régulièrement, ils téléphonaient, la société internationale était organisée, policée, comme ne l’avait jamais été. Qu’avait-on besoin de ces intermédiaires qui n’étaient plus que des porte-parole, des maîtres du protocole, sans telle prise sur la marche des choses ? Les rares diplomates que j’avais pu connaître au cours des années ne l’avaient pas convaincu de leur utilité profonde. J’avais vu des êtres élégants et brillants, qui racontaient bien les pays qu’ils avaient visités et les événements auxquels ils avaient assisté. Ils avaient été spectateurs. Je voulais de l’action. »


Cette manœuvre d'action dont il est question en matière de diplomatie n’est pas chose aisée, c'est l'un des enseignements que l’on retient du livre de l'auteur qui est reste en fonction plus de trente ans enChine, gravissant étape par étape tous les échelons du corps diplomatique, il raconte sa vie qui à ne point douter est une école de vie. C'est en faisant appel à ses propres aptitudes psychologiques que l’on arrive à exercer pleinement la fonction de diplomate et cela, l’auteur l’a expérimenté a plusieurs reprises, aussi bien avec ses collègues qu'avec lui-même, le constat demeure le même, la vie se déroule presque pareillement dans toutes les missions diplomatiques :

«  Il me fallut du temps pour faire comprendre à l’ambassadeur que j’étais dans  l’impossibilité de travailler, à 15 km de Pékin, sur les sujets sur lesquels il m’avait demandé d’écrire.  Je devrais vivre en Chine. Rencontrer les écrivains et les artistes. Visiter des librairies. Aller à l’opéra, au théâtre, au cinéma, sans attendre que le bureau de service veuille bien organisé à notre intention une séance au programme choisi. Je voulais passer mes journées à explorer la réalité chinoise, et non perdre mon temps dans un bureau. »
Les mémoires diplomatiques ont ceci de particulier qu’ils dressent des portraits à tout bout de champs des gens que l’on rencontre sur son chemin avec lesquels on travaille. Ceux dressés par Claude Martin nous renseignent assez non seulement sur le travail d’une mission diplomatique mais aussi sur la psychologie de ceux qui ont à mettre en œuvre les décisions de Paris. L’auteur n’allait pas de mains mortes dans le portrait de son chef à l’Ambassade de la République française en Chine. Le chef de mission étant un gaulliste de la première heure Lucien Paye. Celui- ci mérite d’être mentionné, c’est de la contorsion diplomatique à fortes doses : « Passionné par le Maghreb et l’Afrique, l’homme avait fait une grande partie de sa carrière au Maroc et en Tunisie, où ils avaient dirigé le service de l’enseignement. Le général De Gaulle, qu’il avait rencontré et apprécié à Alger à l’époque du gouvernement provisoire s’était souvenu de lui après son retour au pouvoir et on avait fait un ministre de l’éducation nationale avant de le nommer, en 1962 à la représentation à Dakar. Les rapports franco-sénégalais traversaient alors une période de tension, il avait pensé que Lucien Paye qui avait été le condisciple de Léopold Sédar Senghor à Louis le Grand, pourrait aider à une reprise du dialogue. Il s’était bien tiré de cette mission délicate, et c’était sans doute la raison pour laquelle lorsqu’on avait décidé d’ouvrir cette ambassade à Pékin, on avait à nouveau songé à lui. Les Chinois seraient, pensait-on flattés que l’on ait choisi un ancien ministre pour représenter la France auprès d’eux. »

PRINCIPES DIPLOMATIQUES A L’ÉPREUVE DU TEMPS
 
Quels sont les règles et principes pour nommer un ambassadeur auprès d’un pays ? En quoi ce choix doit être judicieux pour le pays qui sollicite l’accréditation ? Quels sont donc les intérêts d’un pays dans le processus d’acceptation d’un ambassadeur sur son territoire ? Les réponses à ces questions sont fournies au compte-goutte par l’auteur avec des analyses qui en disent long sur les arcanes diplomatiques où se jouent parfois les gros intérêts. Les théories en relations internationales stipulent sans nuances parfois qu’un Ambassadeur accrédité dans un pays doit en parler la langue, en connaître la culture pour être efficace dans l’exercice de ses fonctions ? Ces facteurs théoriques correspondent elles encore aux enjeux de la mondialisation ? L’auteur donne des munitions pour comprendre que ces théories ne reposent sur rien dans la pratique parfois même on ne les prend même pas en considération quand les intérêts sont en jeu : « Lucien Paye de son propre aveu, ne connaissait pas grand-chose à la Chine. Il avait auprès de lui et premier conseiller, Claude Chayet qui passait pour la connaître mieux et pour en parler un peu la langue, et un vécu quelques années de son enfance à Pékin ou son père avait été diplomate. C’était des souvenirs bien lointain. Le vrai connaisseur du pays, de sa langue, de sa culture, de son système c’était le colonel Guillermaz. Après son expérience de Chongqing, Guillermaz avait travaillé auprès de l’OSTASE, à Bangkok, puis à Paris, où il avait publié une monumentale histoire du Parti communiste chinois. Ce bagage lui donnait, dans l’ambassade, une autorité et incontestée. Les autres membres de l’équipe, transférés de Moscou au prétexte, comme on me l’avait expliqué à Paris, que la Chine n’était une variante du modèle soviétique ne pouvaient guère rivaliser avec lui.

Maguet Delva

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