PubGazetteHaiti202005

Haïti-Insécurité: Près de 1200 personnes kidnappées en 2020, selon Collectif Plus

Photo d'illustration

Les cas d’enlèvement contre rançon et d’assassinat augmentent dans la région métropolitaine depuis plusieurs semaines. Ces enlèvements sont répertoriés presque quotidiennement dans la capitale. Les victimes se comptent par dizaine depuis plusieurs mois. Les dernières en date, ce sont deux Dominicains et un Haïtien enlevés samedi 20 février à Martissant en revenant du Sud’Est d’un tournage de documentaire.

Muska Films est une société cinématographique haïtienne dédiée à la production de films ambitieux, de séries télévisées fortes et de documentaires de caractère. Son objectif est de produire des films sincères et de développer l'industrie cinématographique haïtienne. Venant tout juste de réaliser Kafou, un film qui a connu un très beau succès, cette production veut passer au niveau supérieur. Elle travaille sur un projet de long-métrage qui pour l'instant est en plein tournage, Malatchong.

Ce samedi 20 février 2021 vers 10h00 PM, une équipe du film revenait d’un tournage dans le Sud du pays proche de Jacmel. Le cinéaste Gilbert Mirambeau Jr est l’un des responsables de Musca Films. Il confirme qu’il y avait certainement des policiers qui assuraient la sécurité du convoi, mais « ce sont des policiers qui ont l’habitude d’accompagner Muska Films dans les tournages ».
« Nous étions un convoi d’une quinzaine de voitures qui se dirigeaient vers 5e avenue Bolosse. D’après moi, d'autres véhicules nous suivaient depuis Léogane. Les hommes armés ont tenté de briser notre convoi avec un véhicule pick-up blanc, vitre teintée, identifiée avec une plaque Service de l'Etat. Cette voiture rentrait à plusieurs reprises dans notre cortège», explique le cinéaste.
Arrivés à Martissant, plusieurs individus lourdement armés ont forcé le véhicule avec une plaque de République Dominicaine à s’arrêter, dit Gilbert Mirambeau Jr. «Forcés de quitter leur véhicule sous la menace, 3 hommes de notre convoi ont été kidnappés pendant que les bandits repartaient avec notre véhicule qui transportait du matériel cinématographique, ainsi qu’une génératrice», poursuit le Montréalais d'origine haïtienne.

Deux dominicains membres d’une équipe de tournage, les frères Michael Enrique Campusano Feliz et Antonio Gerer Campusano Feliz et leur interprète haïtien ont été enlevés. « Les ravisseurs ont demandé 3 millions de dollars en échange de leur libération au lieu de 2 millions relatés dans les médias », précise le cinéaste mentionnant qu’il négocie pour le moment le prix.


Les autorités dominicaines se saisissent du dossier

Le Président Dominicain, Luis Abinader, est touché de cette affaire, fait savoir Edwin Paraison, le responsable de la Fondation « Zile ». Il intervenait ce lundi 22 février sur la Radio Galaxie. Selon lui, le Président Dominicain a déjà instruit le ministre dominicain des affaires étrangères Roberto Alvarez, à faire des démarches auprès de son homologue haitien en vue de trouver au plus vite la libération des dominicains.
Dans un bref communiqué, rapporté par la presse dominicaine, Le ministère dominicain des affaires étrangères dit suivre, de près, l’enquête menée par les autorités haïtiennes sur le dossier.
Les autorités dominicaines affirment « déployer tous les efforts nécessaires, pour un retour, en toute sécurité, de deux ressortissants de la République Dominicaine, enlevés ».

Pas d'équipes antiterroristes dominicaines sur le sol haïtien, selon Claude Joseph

Des médias en République Dominicaine et en Haïti ont annoncé, ce lundi, que six équipes de l'Unité de Lutte contre le Terrorisme (UCT) du ministère dominicain de la Défense ont été dépêchées au point de passage de Jimaní avec pour mission de secourir les Dominicains enlevés. Chaque équipe est composée de cinq agents hautement qualifiés, selon les informations publiées sur le site acento.com. Les soldats seront protégés par des gilets et des casques spéciaux pour ce type d’opération.
Le Ministre des Affaires Étrangères, Dr. Claude Joseph dement cette information. Selon lui, il n'y a pas d'équipes antiterroristes dominicaines sur le sol haïtien. Il confirme que les autorités haitiennes collaborent avec le gouvernement dominicain afin d’obtenir à la libération des deux dominicains enlevés à Port-au-Prince.


Les enlèvements de plus en plus courants en Haïti

Les enlèvements sont devenus monnaie courante en Haïti, alors que le climat sécuritaire en général ne cesse de se dégrader dans le pays. Pas un jour ne passe sans que l’on entende parler du kidnapping de paisibles citoyens contre le paiement de rançons.
L’Organisation ‘’Collectif Plus’’ a d’ailleurs compilé ses données pour l’année 2020, et les chiffres communiqués sont tout simplement terrifiants.
Ainsi, pas moins de 1200 personnes ont été kidnappées durant la seule année 2020, ce qui représente une moyenne d’un peu plus de 3 enlèvements par jour. Ces chiffres datent de janvier 2021 « Notre pays est en train de glisser lentement mais sûrement vers la catégorie des pays les plus à risques, parmi lesquels on trouve le Mexique, le Nigéria, l’Afghanistan, l’Irak ou encore le Pakistan.
En sortant de chez soi, on a le doute quant à savoir si on va rentrer. Les mères, les pères, les époux, les parents... On vit tous dans une inquiétude quotidienne et constante», se plaint une dame commentant la mort d'un enfant.
«Aujourd'hui, ce sont des enfants qui se font kidnapper, ce sont des personnes au volant de leur voiture qui se font kidnapper», rapporte Marie Rosy Auguste Ducena du Réseau national de défense des droits de la personne (RNDDH).

« Les ghettos ont besoin d’argent pour fonctionner »

Il est 09 heures 30 du matin, ce lundi 22 février, un bandit décide de nous parler dans la zone de l'avenue Bolosse, proche de Martissant. Il décide de rester dans l'anonymat. Nous appelons Junior, ce kidnappeur que nous avons interviewé.

Dans une grande espace, plusieurs hommes armés assurent la sécurité de Junior, peut-être âgé d'une trentaine d'années. Tous encagoulés et armés, ils font des va-et-vient aux alentours de la pièce.
Junior fait savoir que les ghettos ont besoin d'argent pour vivre. « Tous ces hommes armés qui sécurisent la zone, ils doivent fonctionner normalement. Ils font des travaux que les policiers ne peuvent pas faire. Nous pouvons pas miser notre poche sur les autorités du pays», explique l'homme portant d'une arme de haut calibre.
Personne ne peut eviter une tentative de kidnaping, fait savoir junior, «si une personne prend la fuite, elle partira avec une balle. Même les policiers ne peuvent nous l'en empêcher. Nous connaissons le terrain aussi bien qu'eux», continue junior precisant que « les bandits ne s’intéressent qu’au montant qu’ils réclament pour remettre en liberté le kidnappé, sinon il est torturé et exécuté ». «C'est notre decision parce que nous voulons fonctionner aussi».

Parfois, ils ont des personnes ciblées. «Nous avons des personnes qui cherchent des gens pouvant nous donner de l'argent. Elles travaillent durement pour les trouver. Je les salue. Après, nous prennons d'autres personnes par hasard», dit-il, en confirmant que les victimes sont généralement bien traitées et correctement nourries. Les femmes n’ont subi aucune agression sexuelle, se défend-il.


Le pays est « gangstérisé»

En Haïti, l'insécurité, depuis la montée de l’exode rural et de la ghettoïsation de certains quartiers, est traversée par plusieurs contextes politiques au cours des ans pour, enfin, prendre une ampleur multiforme. Parmi ces formes, la « gangstérisation ».
« Les gangs se multiplient à Port-au-Prince et en province. Dans chaque recoin, il y a un groupe d'hommes armés qui contrôle. On assiste maintenant dans le pays, à une augmentation sans limite d'actes de criminalité par des groupes armés», déclare Marie-Yolène Gilles, militante des droits humains de la première heure.
Les groupes armés sont très fréquents et souvent imposent leur loi sur des routes nationales. En mai 2019, plus de 76 gangs armés ont été recensés par la Commission Nationale de Désarmement, Démantèlement et Réinsertion (CNDDR). Le nombre de membres qui font partie de ces groupes armés varie. « Il y en a qui comptent dix membres, d’autres quinze, d’autres encore soixante ou quatre-vingt », fait savoir Jean Rebel Dorcénat, l’un des membres de la CNDDR.
Pour Marie Yolène Gilles qui dirige l’organisation « Je Klere », la majorité des bandits «proviennent des zones vulnérables, des zones défavorisées où ils ont choisi la délinquance comme moyen de survie.». Dans ce pays livré à lui-même où l’État est impuissant à tous les niveaux, ajoute-t-elle, les bandits armés se permettent de n’importe quoi au détriment des citoyens paisibles. Ces gangs marginalisés agissent aisément, tuent, enlèvent les gens.

Plus de 500 mille armes illégales en circulation en Haïti

Jean Rebel Dorcénat estime à près de 500,000 le nombre d’armes à feu illégales en Haïti, soit plus du double en 4 ans des estimations officielles de la Police Nationale d’Haïti (PNH) qui en 2015 avançait le chiffre de 250,000 les armes illégales en circulation au pays (armes de poing et armes de gros calibres), ajoutant que ce nombre pourrait être revu à la hausse…
Selon lui, le commerce des armes et des munitions est contrôlé par une dizaine de personnes du secteur privé connu des autorités. «Comme je le dis tantôt, c'est dommage qu’aucune action légale ne soit prise à l’encontre de ces marchands d’armes.» Il appelle les autorités concernées à un plus grand contrôle entre autres des agences de sécurité et des frontières maritime et terrestre.
 

 

 

Par Snayder Pierre Louis

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