PubGazetteHaiti202005

 FREDA » de Gessica Généus dans toutes les salles en France à partir du 13 octobre 2021

Gessica Généus

Jeudi soir, 14 octobre 2021, dès 19 heures, de nombreux compatriotes se sont engouffrés dans le métro parisien. Direction Montparnasse pour aller voir le premier long-métrage de leur compatriote, Gessica Généus qui est sorti, officiellement la veille dans toutes les salles en France. Les centaines d’associations haïtiennes évoluant en île de France ont été mises à contribution pour une communication efficiente et efficace.

Déjà ce film a bénéficié largement de la conjoncture politique dégradée ces derniers mois au pays car nos compatriotes en France veulent entendre autres choses de leur pays, ce d’autant plus que le kidnapping qui se pratique en Haïti a des répercussions au sein de notre communauté où au moins trois compatriotes ont eu des proches enlevés, obligés de faire des prêts à la banque pour leur venir en aide. 

 

Chaque récit vous glace le sang comme si vous étiez au pays. Nous sommes aussi stressés que nos compatriotes qui vivent au quotidien ce nouveau phénomène inhumain et deshumanisant à souhait. C’est dans cette ambiance que beaucoup de compatriotes sont allés voir le film de Gessica Geneus « Freda » un long métrage, un film terriblement émouvant et militant. La réalisatrice a su camper un pays en proie à toutes sortes de difficultés et parvient à présenter sans coup férir en moins d’une heure 30, tout ce qui traçasse nos multitudes depuis 1804. La comédienne devenue cinéaste après avoir fait des études de cinéma à Paris avait décidé de passer derrière les caméras. Résultat un film éblouissant, captivant qui avait séduit le jury du festival de cannes en aout dernier en France par la mention spéciale « découverte Prix François Chalais ». Mais notre compatriote n’est pas nouvelle dans le milieu du 7ème art, elle a jouée dans de nombreux long-métrages comme « Barikad », « We love you Anne » de son compatriote Richard Sénécal, « Toussaint Louverture » aux côtés de l’acteur international d’origine haïtienne Jimmy Jean Louis.

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Gessica Généus a franchi un nouveau pallier avec plusieurs documentaires dont « douvan jou ka levé » qui avait remporté le prix du meilleur documentaire de création au 4ième édition du film de saint Louis au Sénégal en 2017. Couronné aussi en Guyane française en 2019 au festival international du film documentaire Amazonie Caraïbes à Saint Laurent du Maroni. L’actrice a réussi, haut la main, son pari de faire connaitre son pays au-delà des maux qu’il est en train de traverser. Un film qui brasse de manière palpitante nos désarrois. Elle a délivré un message convaincant sur les femmes de son pays. On est loin de la jeune Gessica Généus qui s’est présentée au casting du long métrage de son compatriote Richard Sénécal Barikad sorti en 2002. Freda est entièrement tourné en Haïti dans les rues de la capitale. Dans ce film se dégage un parfum d’exotisme évident et pour certains compatriotes, c’est un crève-cœur.                          

Cinq séquences bien ficelées sont au menu de ce film, coup de poing.

 

1- problèmes de la jeunesse avec un départ massif vers des cieux plus cléments

2- Problèmes sociétaux entre vodou et protestant sous fond de propagande des sectes religieux d’obédience américaine

3- Recherche d’une façon pénible d’un mariage à tout prix pour sortir de la misère

4- Violences dans les couples

5- problématique linguistique français créole

6- le poids psychologique de l’étranger dans nos relations sociales.

En somme une satire sociale qui ne manquera pas de susciter des débats de part et d’autre. Née à Port-au-Prince en 1985, la comédienne vient de rentrer dans la cour des grands et c’est une boule d’energie qui court les plateaux de télévision pour vendre un film dont elle a écrit le scénario, trouver des financements pour le faire, et le tourner dans une capitale livrée depuis une certaine temps aux gangs armés. Résultat un beau et bon travail, un vrai plongeon sociologique dans un pays en proie a tout ce qui est négatif. C’est un film qui met notre pays à nue et c’est tant mieux. La cinéaste filme avec humanité le quotidien d’une famille haïtienne en proie à tout ce qui fait désordre en Haïti. Deux sœurs et un frère de la classe moyenne du pays : Esther et Freda étroitement liées vivant avec leur mère Jeanette, une de ces pratiquantes de la religion, dite protestante en terre haïtienne, qui tire le pays vers le bas de mille façons. 

 

Autant que Freda campe sur sa position de ne faire aucune concession encore moins de convoler en mariage juste pour sauver une situation. Esther elle justement littéralement tombée dans les bras d’un sénateur, un nouveau riche qui attire toutes celles qui veulent une avancée sociale rapide.  Voilà que le mariage tant attendu et souhaité par sa mère est très vite fissuré par le passage à tabac de sa fille. Entre mère et filles les opinions se divergent. Esther ne veut plus retourner à la maison, sa maman insiste pour qu’elle retourne voir son mari et Freda reproche à sa mère de l’avoir contrainte au silence après qu’elle a été violés par un membre de la famille. Les combats de Mme Généus sont là au cœur de ce premier long-métrage qui dit une vérité crue sur la société haïtienne           

 

FREDA BIEN ACCUEILLI AU SEIN DE LA COMMUNAUTE HAITIENNE DE FRANCE    

 

Freda ce nom évoque pour nos compatriotes et connaisseurs de notre culture nationale, une déesse dans le panthéon vodou,  Erzulie Freda Erzulie Dantor. La jeune Freda a l’instar de beaucoup de jeunes en Haïti habite avec ses parents composés de son petit frère, sa sœur, sa mère. Ils vivent dans l’un des quartiers populaires et populeux de la capitale haïtienne en proie à des défis sociaux énormes. C’est là que Gessica Généus avait planté ses caméras pour des séances de tournages laborieux. Une boutique, disons plutôt un bric à brac de quartier où tous les crèves de la faim viennent chercher quelque chose à mettre sous la dent. Aucun décor fabriqué tout est à l’état brut. Et c’est là que se déroulaient les échanges entre acteurs qui se rapportent tous à une précarité sauvage sous fond de banditisme absolu. Évidemment qui n’aimerait pas s’enfuir, s’en aller vers des cieux plus cléments. Partir laisser Haiti coûte que coûte est en quelque sorte l’un des messages essentiels du film mais Freda elle décide de rester au pays. 

 

Deuxième message du film c’est chez soi que l’on peut se sentir bien même si la violence est omniprésente. Il y en a qui décident d’y rester, à l’exemple de Freda qui est l’irruption fracassante de Gessica Généus dans la fiction, auteure jusque-là des documentaires.

Gessica Généus avec son premier long métrage Freda, est en train de donner un autre sujet de conversation aux compatriotes vivant à Paris, las de la situation régnant au pays. Chaque coup de fil en provenance du pays craint l’annonce d’un enlèvement avec rançon et il faut faire un prêt à la banque pour sauver un ami ou un frère détenu par des hommes sans visages.  

La communauté Haïtienne de France est frappée de plein fouet par ce phénomène lointain mais bien présent ici. Alors le film Freda vient à point nommé pour essayer de faire passer à autre chose. 

Nos compatriotes sont nombreux à Paris et en banlieue parisienne à aller voir le film avant même sa sortie officielle mercredi 13 octobre 2021. Les producteurs du film ont mis les différentes associations haïtiennes à contribution pour le promotionner. La maison d’Haïti à Paris, dirigée par Roseline Dieudonné a bien fait les choses jeudi soir au ciné Parnassiens à Montparnasse dans le quatorzième arrondissement de Paris. De nombreux compatriotes avaient fait le déplacement. Avan et après le film, des discussions, des échanges ont eu lieu avec la cinéaste qui répondait aux questions. 

 

Madame Dieudonné avait ouvert la séance avec une batterie de questions auxquelles la cinéaste a répondu, dévoilant quelque peu le processus du tournage. Un tour de force qui prouve qu’il il suffit de mettre nos compatriotes en condition pour qu’ils produisent des choses de l’esprit comme n’importe quel peuple. Le débat continue avec la question d’un doctorant dominicain qui fait sa thèse sur le fameux livre de notre écrivain national, Jacques Roumain « Gouverneurs de la Rosée ». Une autre qui laisse éclater sa joie de voir une compatriote réussir dans le milieu cinématographique parisien si difficile et quasiment impénétrable y compris pour les Français de souche d’ailleurs. 

 C’est Madame Dieudonné, la présidente de la maison d’Haïti à Paris qui avait orchestré cette rencontre, alertant ses compatriotes à Paris, banlieue parisienne sur la solidarité avec la réalisatrice. Message amplement entendu compte tenu de la présence massive de nos compatriotes à chacune des présentations du film. Comme étant donné le film est dans un prisme d’actualité récente chacun trouve un motif pour l’apprécier et aussi une belle occasion pour encore parler de ce qui se passe au pays car ici en France, beaucoup de compatriotes sont désemparés et craignent des coups de fil en provenance du pays réclamant encore et encore de l’argent pour libérer pour un proche. Un compatriote chauffeur de taxis, une figure bien connue de la communauté a dû contribuer à payer une rançon pour faire libérer sa nièce kidnappée, s’alarme : « Nous souffrons énormément de ce qui se passe au pays, ce film est une façon de changer et d’espérer que notre Haïti ne sombre pas définitivement. »                           

 

Freda est une résistante à tout et victime des maux de la société haïtienne dont elle porte tous les stigmates. Freda porte la colère d’une société enquête de justice et des revendications non satisfaites. Le jour de la Toussaint donc de la mort, un homme est abattu devant son épicerie. Un tel choix n’est pas banal dans un pays où les morts ne sont pas morts, où l’on pratique volontiers un culte autour de la finitude, de la mort que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.

 

 

Maguet DELVA 

Paris, le 15 octobre 2021

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