Le Centre d’analyse et de Recherche en droits de l’homme (CARDH) a publié le 16 juin un rapport intitulé l’hégémonie de la criminalité et responsabilité de protéger. Dans ce rapport, le CARDH a décortiqué la gangstérisation en Haïti et a évoqué à la fois la criminalité « généralisée » et l’absence de leadership en matière de politique publique de sécurité. A côté des personnes tuées, blessées et déplacées à cause de la violence des gangs, 60 000 personnes ont besoin d’assistance humanitaire.
Les gangs armés représentent une véritable préoccupation pour toute la société haïtienne. Dans un rapport de 26 pages du CARDH, les projecteurs se sont allumés sur ces groupes criminels qui instaurent un climat de terreur dans le pays, précisément à Port-au-Prince.
Un climat de terreur qui n’est pas sans conséquences puisque, selon le décompte de l’organisme de droits humains, les affrontements des gangs de Gran Ravin, Ti Bwa et Village-de-Dieu durant la première semaine de juin ont fait une vingtaine de morts (population civile), des dizaines de blessés, plus de 2 000 déplacés, dont 1 5003 au centre sportif de Carrefour 507 garçons, 582 filles, 426 mineurs (50 nourrissons).
Selon le constat du Centre d’analyse de Recherche en droit de l’homme, pour la première moitié du mois de juin, les affrontements dans la zone métropolitaine ont provoqué environ 10,000 déplacés.
« Seulement à Martissant et au bas de Delmas, 60 000 personnes ont besoin d’assistance humanitaire », a noté l’organisme de droits humains, profitant de relater que la Police nationale d’Haïti sous équipée, faible (crises internes) et en proie à la politisation, est devenue aussi la cible des bandits. « Ils envahissent des commissariats, tuent et brûlent des policiers, prennent leurs équipements », a indiqué le CARDH avant de préciser les faits qui se sont produits dans la soirée du 5 juin au 6 juin où les bandits ont pris d’assaut pas moins de cinq postes de police, commissariats et sous-commissariats.
Du financement et de la mission des gangs
Le CARDH touche la plaie du doigt. Dans ce rapport volumineux publié, l’organisme de droits humains parle du financement et de la mission assignée aux gangs armés qui se sont fédérés en ‘’G9 en fanmi e alye’’. D’après le CARDH leur financement provient du budget prévu pour renseignements à la primature, aux ministères de la Justice et de la Sécurité publique et de l’Intérieur. Certaines ONG par la réalisation de projets (Les chefs de gangs ont des entreprises : fondation, business…) contribuent à financer les bandits dans les quartiers populaires.
Selon le CARDH, la fédération G9 est mise en place par l’actuel Pouvoir PHTK et alliés pour contrôler les zones à forte concentration afin d’empêcher la population de se mobiliser contre le régime (Cité Soleil, Bel-Air, Bas de Delmas, Gran Ravin, Ti bwa…). D’où une double perspective électoraliste et de consolidation du pouvoir, fait remarquer l’organisme de droits humains.
« Étant vulnérables aux plans social et économique, les citoyens des quartiers populaires en sont les premières victimes : massacres et tueries en cascade (une dizaine de novembre 2018 à date), viols collectifs, déplacés, désastres humanitaires », a dénoncé le CARDH, qualifiant ce qu’Haïti vit actuellement « de consécration du règne de la criminalité généralisée ».
Le CARDH en profite par ailleurs pour critiquer la complicité de la coopération internationale (Missions des Nations Unies en Haïti) face à cette monstrueuse réalité qui se développe sous leur regard.
« La mission assignée à la coopération internationale (Charte des Nations Unies) et sa présence pendant les 27 dernières années en Haïti, amène le CARDH à l’alerter sur sa responsabilité morale si les dispositions nécessaires ne sont pas prises », peut-on lire dans ce rapport.
Le CARDH n’épargne pas non plus le gouvernement en place qu’il considère être complice et responsable de cet état de choses, qui a omis ses obligations de droits humains (respecter, protéger et mettre en œuvre).
Absence de leadership en matière de sécurité publique
Le constat est connu de tous. Le CARDH évoque une institution policière au bord de la faillite. Ce qui pousse, dit l’organisme de droits humains, la population être à la merci des bandits qui, d’ailleurs, s’adonnent à une nouvelle opération de prise des commissariats et d’assassinat des policiers.
« La PNH souffre d’une absence de leadership : vision, stratégies, opérations… Cela pourrait s’expliquer par l’absence de politique publique donc livré à lui-même. L’institution policière perd le prestige qu’elle s’apprêtait à instaurer. De nombreux kidnappings se font avec des gens en uniforme et avec des voitures de police et officielles. La plupart des gangs ont au moins deux policiers à leur service, soit comme membres, soit comme facilitateurs », décrit le CARDH comme situation qui explique la faillite de la PNH.
Le CARDH qui réfléchit sur la solution de désamorcer la bombe à retardement qui n’est autre les gangs armés, en profite pour faire des recommandations dont « une politique effective de désarmement, le rétablissement de l’autorité de l’Etat par la mise sur pied d’une administration compétente, crédible, établissant clairement une vision et des politiques publiques de sécurité. L’implication de tous les acteurs de la vie nationale, dont le secteur privé, les organismes de défense des droits humains, les organisations communautaires de base, le soutien de la coopération internationale dans la démarche de doter la police des moyens matériels, financiers, humains et stratégiques nécessaires pour mener sa mission ».
Par: Michelson Césaire
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