PubGazetteHaiti202005

Bedjine, une perle rare à protéger

Bedgine

Comme il est souvent le cas pour beaucoup d’autres artistes ou simplement de personnalités publiques, Bedjine fait l’objet d’une avalanche de critiques sur les réseaux sociaux ces derniers jours. 
Il est reproché à la talentueuse jeune chanteuse de ne pas maîtriser l’« art de parler ». Chacun(e) y va de ses insultes, de ses propos méprisants et de toutes sortes de remarques désobligeantes: « Fanm sòt », « Tounen lekòl », etc. Tout ça, pour avoir « mal répondu », selon ses détracteurs, à une question d’un journaliste à propos du Prix de Rutschelle Guillaume comme meilleur artiste caraïbeen aux Trace Awards & Festival au Rwanda. Face au tollé, Bedjine a du réagir via une vidéo, affirmant, pour résumer ses propos, que «Mieux vaut agir que discourir».  Peine perdue. La cabale numérique montée contre elle s’est plutôt amplifiée. 

A lire tout ce qu’on écrit sur la chanteuse, il est urgent de tirer la sonnette d’alarme sur cette tendance dévastatrice qu’on pourrait qualifier de cyber harcèlement; cette arme destructrice utilisée actuellement par beaucoup d’internautes haïtiens, capable de causer tellement de dégâts sur le moral de ceux et celles qui en sont victimes.

D’abord, il faut dire que savoir communiquer,  parler en public, devant une caméra n’est pas l'affaire de tout le monde. Si certaines personnes sont à l’aise dans cet exercice, d’autres non, bloquées souvent par la timidité. Mais conscientes de leur lacune, elles peuvent avec le temps réussir à s’améliorer et à acquérir une certaine aisance par l’apprentissage et la pratique. Il existe pour cela des professionnels de l’art oratoire. 

Toutefois, une chose est sûre: l’incapacité d’une personne à pouvoir bien s’exprimer en public ou dans les médias ne traduit en rien son niveau d’intelligence ou sa chance de réussir dans la vie. D’ailleurs, de brillants cerveaux, de grands techniciens et intellectuels ne maitrisant pas cette arme préfèrent rester dans l’ombre. On ne les voit jamais sur les plateaux de télé ou dans les médias, mais accomplissent des œuvres grandioses.

En ce qui a trait à l’interview qui a provoqué toutes ces méchancetés,  Marie « Bedjine » Love David, de son vrai nom, a très bien répondu à la question du journaliste, en marge du Caribean Culture Fest, le week-end dernier, en Floride. 
Expliquant en créole qu’elle était un peu occupée dans les préparatifs du spectacle ( avec K-Dilac, elle était sur scène ce soir là), Bedjine a fait part de sa joie et s’est dit « émue » après avoir appris la nouvelle du trophée remporté par Rutschelle Guillaume.  
Et de poursuivre: « Ce prix n’appartient pas seulement à la chanteuse, mais « à tous les Haïtiens et les artistes en général. Je lui dis de continuer de suivre son chemin. D’ailleurs, ça fait longtemps que Rutschelle travaille. Ce n’est que le commencement, elle le mérite et elle en remportera encore bien d’autres… ». 

Qu’est-ce que Bedjine aurait du dire de plus dans cette interview ? Où est-ce qu’elle a pêché? Elle n'a pas igonoré l'évènement en soi mais a tout simplement affirmé qu'elle n'était pas encore au courant des résultas vu qu'elle était en pleine préparation de sa prestation au festival. Sinon, cela a tout l’air d’une campagne de dénigrement orchestrée contre elle, avec vraisemblablement des objectifs inavoués. 

Une jeune femme, inconnue du grand public, il n’y a pas très longtemps, qui est parvenue par son talent, son inspiration, sa voix et sa détermination à se frayer un chemin dans un milieu (HMI) aussi difficile, particulièrement pour les femmes force le respect. Cette tentative de la diminuer est malsaine. Il y a dix mille façons de le faire si vraiment l’idée était de la pousser à améliorer « sa communication ». 

Le problème serait ailleurs: Bedjine dérangerait une catégorie de personnes ou de fans jaloux de son succès fulgurant. Comme si elle empêchait d’autres artistes d’émerger ou de régner. Au contraire. La présence dans notre industrie musicale des chanteuses, telles que Bedjine, Rutschelle Guillaume, Misty Jean, Phyllisia Ross, Anie Alerte, Darline Desca, Tafa-Mi Soleil, Queen Bee, Tamara Suffren, Vanessa Désiré, Fatima, etc, est une énorme chance pour Haïti. On devrait être fiers de cette richesse et de cette diversité de talents. On ferait mieux de les encourager pour que notre pays puisse être toujours présent lors des grands rendez-vous internationaux. Non pas de chercher à les déduire moralement par des propos violents, méprisants, discriminatoires…

Cette mentalité qui tend vers la destruction de l’un(e) au profit de l’autre par esprit de fanatisme est contre-productive. La musique haïtienne n’a rien à en tirer. 

Oui, savoir bien communiquer est un atout important pour un artiste. Cela peut lui permettre de mieux se vendre et de séduire au-delà même de son champ. Mais si malheureusement ce n’est pas le cas, cela ne peut pas l’empêcher de briller ou de connaître la gloire. Beaucoup de grandes stars, souvent, fuient la caméra, alors que cela n’a pas grand impact sur leur immense carrière. Leurs œuvres parlent pour elles. 

Ceci n’empêche que Bedjine puisse tirer profit des critiques positives qui lui sont adressées afin de corriger ce qui mérite d’être corrigé. A ce propos,  sa réplique en vidéo publiée sur les réseaux sociaux où elle s’est emmêlé par moments les pinceaux n’était pas nécessaire car cela n’a fait que provoquer encore plus de méchancetés à son encontre. Personne ne cherchera à comprendre le sens de son message ou le fond de sa pensée, exprimé maladroitement: « le travail, les actions valent mieux que les beaux discours ». Voilà tout ce qu’elle voulait dire. Mais, l’opinion de ces « censeurs » est déjà faite: « Bedjine ne sait pas parler ». Donc ils vont chercher dans les détails (la petite bête). L’essence n’intéresse guère.

 Loin des polémiques et de cette ambiance toxique en vogue sur les réseaux sociaux, l’artiste doit continuer à se concentrer sur sa musique qui lui a permis aujourd’hui à 25 ans d’être parmi les meilleures voix féminines haïtiennes, en seulement quelques années de vie artistique active. Les chiffres sur YouTube parlent d’eux-mêmes: 

1-Pwomèt Mwen (duo avec K-Dilak)- 26 M de vues

2-Pouki n te marye (duo avec K-Dilak) - 22 M

3-Tout va bien- 22 M

4-Engra (duo avec K-Dilak)-12 M

5-Koupab (duo avec Kaï)- 12 M

 6-kita Nago- 12 M

 7-Koupem sa - 10 M

  8-Fo Pwomès (duo avec   K-Dilak- 10 M

  9-Move chofè (duo avec  K-Dilak- 5, 5 M (1 mois);
etc. Des chiffres qui donnent le tournis pour un marché ( HMI ) aussi restreint.

Bedjine, une perle aussi rare, a besoin d’être protégée, encadrée, critiquée positivement et respectée à sa juste valeur. La musique haïtienne a tout à gagner avec un tel talent.

 

 

Par Albert Edner- Georges 

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