En ce jour solennel de la fête du drapeau et de l’université, une nouvelle page de l’histoire haïtienne semble s’ouvrir, teintée d’un mélange d’émotion, de fierté et de revendications. Lors de son discours, Fritz Deshommes, recteur de l’Université d’État d’Haïti (UEH), a lancé un appel vibrant et inattendu : la restitution des rançons versées par Haïti aux grandes puissances après son indépendance.
Sous un ciel bleu éclatant, les couleurs vives du bicolore haïtien flottaient au-dessus de la Villa Présidentielle de Port-au-Prince, où s’étaient réunis les membres du Conseil Présidentiel de Transition, le gouvernement démissionnaire, des diplomates et divers invités de marque. La fête du drapeau, marquée cette année par l’impossibilité de se tenir à l’Arcahaie en raison de l’occupation par des gangs armés, a été le théâtre d’un discours mémorable de Fritz Deshommes.
La fin du discours était axée sur la fameuse demande de restitution des différentes sommes payées par Haiti pour la simple et bonne raison d’avoir osé d’être libre. Une démarche qui serait profitable au pays en vue de se redresser économiquement, selon Fritz Deshommes.
« L’université rentre dans une démarche pour voir dans quelle mesure on peut récupérer toutes les rançons que les grandes puissances nous ont obligés de payer dans le 19e et 20e siècle dans de mauvaises conditions. Nous allons commencer avec le dossier de la dette de l’indépendance. C’est le dossier le plus important et qui semble peut avancer plus rapidement », a déclaré Fritz Deshommes.
Après avoir arraché son indépendance à la France en 1804, Haïti a été contraint de payer une indemnité massive pour obtenir la reconnaissance de son indépendance par la France. Cette dette, qui s’élevait à plus de 150 millions de francs-or, a plongé Haïti dans une spirale de dettes et de pauvreté qui perdure jusqu’à nos jours.
En 2003, le président Jean-Bertrand Aristide avait soulevé la question de cette dette de l’indépendance, évaluant le montant perçu par la France à plus de 21 milliards de dollars. C''était à l'occasion de la commémoration de l'anniversaire de la mort de Toussaint Louverture, un 7 avril 2003
Ayant fait l’objet d’une grosse contestation menée par le groupe des 184 et une insurrection armée conduite par Guy Phillipe, il a été évincé du pouvoir sous la pression internationale.
Interrogé près de deux décennies plus tard par le New York Times, Thierry Burkard, ambassadeur de France de l’époque, admet qu’il y avait « un peu » de lien entre l’éviction de M. Aristide et ses revendications pour la restitution de cette dette, selon AFP.
« Nous allons profiter de toucher la question de préférence commerciale qu’on était obligé de consentir en faveur de la France pendant deux siècles au même moment où la France s’apprêtait à reconnaître notre indépendance », promet Deshommes.
Le recteur de l’UEH a ensuite invité le Conseil Présidentiel de Transition (CP) et la société à soutenir cette initiative de restitution. Il a insisté sur le fait que cette démarche n’est pas seulement symbolique, mais qu’elle pourrait avoir des implications économiques significatives pour Haïti.
« Nous savons que nous aurons à prendre toutes les précautions importantes afin que l’argent soit utile, bien dépensé au risque de passer comme l’argent de CIRH et du PetroKaribe », a précisé Deshommes, appelant le Conseil et le gouvernement démissionnaire à se mettre prêts pour des dialogues et négociations avec la France.
De plus, le recteur de l’UEH encourage le CPT à se tenir près de la Caricom, des pays d’Afrique qui se sont déjà engagés dans un dossier de réparation. « C’est un sujet sérieux qui a déjà mobilisé plusieurs pays, organisations et des personnalités dans le monde. Il n’y a aucun raison que Haiti n’emboîte pas le pas », a soutenu le recteur.
Les paroles de Deshommes ont trouvé un écho puissant dans l’opinion publique. L’appel à la restitution de la dette de l’indépendance a ravivé les sentiments de fierté et de justice.
Par: Daniel Zéphyr
- Log in to post comments