PubGazetteHaiti202005

Assad Volcy écrit à Jovenel Moise et à ses camarades de l'opposition

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Port-au-Prince, le 5 Octobre  2017 

Lettre ouverte à  Jovenel Moise et à mes camarades de l'opposition

Monsieur le Président, Mon devoir de citoyen me commande en ces temps perilleux pour mon pays de vous écrire afin d'attirer votre attention sur le risque que vous courez aujourd'hui, alors que, si vous aviez su profiter de la trêve qui vous a été accordée, vous ne seriez pas dans ce pétrin.

  Depuis le 7 février dernier, vous avez été certes investi  Président de la République, mais il me semble que vous vous êtes laissé prendre,  comme votre prédéceseur,  dans le piège  du Chef Suprème dont nous avons toujours fait l'expérience et qui finit le plus souvent par se créer des ennuis qui empoisonnent son mandat.

Après les élections contestées qui vous ont porté au pouvoir, et pour avoir gardé ma neutralité en cette période la, j'avais écris un article publié dans le Quotidien Haitien "Le Nouvelliste" dans lequel j'avais pris acte de votre éléction en dépit des soupçons qui pesaient sur le processus éléctoral. Le viel adage veut qu'on vit avec tout ce que l'on ne peut pas changer. On ne pouvait rien changer à cause d'un manque de cohésion au niveau des revendications des candidats contestataires. Ces éléctions ont été  <>, il faut le reconnaitre,  le jour où un des candidats a fait sortir  une note dans laquelle il se disait confortable et qu'il serait placé en seconde position derrière vous alors que que parallèlement, les autres candidats exigeaient soit une vérification ou l'annulation purement et simplement. Cela a donné lieu à une véritable cacophonie qui a terriblement affecté la mobilisation contre les élections. C'est dur de le rappeler, mais c'est la vérité historique.

Dans cet article largement diffusé dans les médias et réseaux sociaux, j'avais dit que j'allais vous juger sur vos actions  et qu'en aucun cas je n'aurais souhaité votre échec car le combat que je mène depuis tantôt 26 ans est loin d'être contre un homme mais contre un système qui prend otage tout une jeunesse, tout un peuple. Aucun leader politique soucieux du bien etre collectif ne souhaiterait voir Haïti plonger encore une fois dans l'instabilité.

Trois mois après votre prestation de serment, après l'avoir  à maintes reprises évité, sous l'instance de nos amis communs, j'ai décidé finalement  de vous rencontrer pour parler "Haiti", notre bien commun. Ce 13 Mai, vous m'avez accueilli en votre résidence privée avec beaucoup d'élégance et l'on a passé environ deux heures à discuter. Ce soir là, je vous avais dit que vous aviez en face de vous celui qui, à bien des égards peut être considéré comme  l'un des artisans du grand soulèvement populaire du 22 Janvier ayant fait échouer les élections du 25 octobre 2015 qui devaient vous porter au pouvoir. On a parlé de votre projet "Caravane du changement", de l'augmentation des prix du carburant( sujet brûlant à ce moment la ), de crédit pour la classe moyenne etc.  J'étais extrêmement attentif à vos propos, et je dois l'avouer, vous me paraissiez convainquant même si par prudence je voulais de préférence vous voir à l'œuvre. Je vous ai donné mon point de vue sur tous les points débattus et pendant toute la conversation, je ne vous ai pas caché mes préoccupations compte tenu surtout des secteurs qui vous ont aidé financièrement à acceder à la magistrature suprême d'Haiti. Vous m'aviez invité à vous rejoindre pour vous aider à réussir votre mandat et je vous ai dit que je resterai dans l'opposition. Je dénoncerai les mauvais actes que vous pourriez poser et j'applaudirais tout ce que vous ferez de bien pour mon pays.

Président, 7 mois après votre arrivée au pouvoir, le bilan est loin d'être satisfaisant. Les mesures prises par votre administration ne pénalisent que les couches les plus vulnérables du pays. Du salaire minimum à ce budget jugé criminel par divers secteurs, vous donnez l'impression, en dépit de votre origine modeste, d'être le Président des puissants et nantis du pays, au lieu d'être celui de tous les haïtiens. Je ne me suis pas encore impliqué dans l'organisation des mouvements de contestations, mais je dois vous avouer que ce bugdet n'a aucune chance de passer sans un réel ajustement favorable aux couches défavorisées. Le 12 Septembre, sur les ondes de Scoop Fm immédiatement après la grande manifestation émaillée de violence, je vous l'ai clairement fait comprendre: La conviction du peuple démuni est faite,Ce budget ne passera pas tel que voté ,publié et mis en application depuis le 1er octobre 2017.

Depuis, les mouvements de protestations ont gagné plusieurs villes de provinces comme pour vous rappeler que l'entêtement du pouvoir n'arrangera pas les choses mais plutôt envenimera la situation jusqu'à ce que le pays s'embrase. 

Monsieur le President, il est anormal que les pauvres gens des bidonvilles et des sections communales continuent de payer pour ceux qui détiennent tous  les moyens de production du pays. Les aggressions verbales de vos porte paroles et vos conseillers ou d'autres acrobaties  ne pourront aucunement calmer l'ardeur d'un peuple souffrant et longtemps oublié par ceux qui lui ont promis monts et merveilles pour se faire élire.  Et je peux vous le garantir en tant qu'acteur avisé, chaque jour qui passe, la contestation gagnera de l'ampleur et finira par se généraliser. Votre mandat arrivera à terme si vous enttendez raison, si vous écoutez ce que dit la rue.

Votre obstination à vouloir rester sourd aux revendications populaires peut vous coûter votre mandat déja fragile. Si vous persistez à vouloir faire  ingurgiter ce budget qualifié de criminel, vous ferez face à un soulèvement généralisé et à ce moment là vous comprendrez le sens du compromis que vous avez l'occasion de faire aujourd'hui pendant qu'il est encore temps. Vous avez la réputation de ne jamais faire marche arrière dans vos prises de décision, mais sachez que vous ne dirigez pas pour vous ou votre clan mais pour tout un peuple. Quel est votre intérêt à provoquer  la colère d'une population restée jusqu'ici plutôt docile en dépit de sa situation de misère accrue?

  Déjà, dans les rues on exige votre départ et c'est dommage que par votre maladresse on en soit arrivé là seulement 7 mois apres avoir prêté serment. Je l'avoue, comme beaucoup de gens, je ne radicalise pas encore ma position allant jusqu'à mettre votre mandat en question, mais si vous ne voulez pas entendre raison et si vous persistez à nourrir cette perception de mépris des revendications du peuple, vous me mettrez en situation pratiquement que je pourrais qualifier  de "légitime défense"  car je fais aussi parti de ce peuple victimisé et mon combat politique a toujours été à ses côtés.  Je vous conseillerais de ne jamais mépriser la rue car elle a  le pouvoir de changer l'ordre des choses, tout chambarder, tout faire capoter.

Hier encore pour répondre aux mouvements de protestations contre sa réforme du code du travail, le Président Français Emmanuel Macron jeune comme vous a débité cette phrase:" La démocratie ce n'est pas la rue"! Et Jean  Luc Mélenchon de répondre lors d'une convovation populaire ayant réuni des dizaines de milliers de personnes: "C'est la rue qui a fait tomber les Rois et les Nazis"! Une façon pour moi de vous rappeler que les données politiques ont définitivement  changé et que toute forme d'arrogance peut conduire au pire. Il n'est pas trop tard pour redresser la barque il suffit juste d'une certaine humilité ou sagesse.

Mes camarades de l'opposition,

  je salue votre courage d' avoir comme moi, réussi à révéiller la conscience du peuple que l'on croyait morte. Le combat mené  est juste et nous allons sans doute le gagner car la voix du peuple est la voix de Dieu. Toutefois, nous devons nous montrer à la hauteur de notre mission. Les luttes d'influences pour le controle du mouvement ne mèneront nulle part sinon qu'à nous affaiblir et les seuls  perdants  seront  les masses comme d'habitude. Les pauvres  gens qui sortent dans les rues ne sortent que pour faire passer leurs revendications mais non pour un homme ou une femme en particulier. 2021 c'est dans 3 ans point n'est besoin de nous battre pour avoir un quelconque leadership . D'ailleurs la population est  fatiguée d'avec ces pratiques qui mettent toujours son avenir  en péril parce que nous n'avions pas  su nous mettre ensemble pour proposer une alternative viable à la nation pouvant nous permettre de prendre le pouvoir pour un véritable changement. Les jeunes des quartiers pauvres qui nous accompagnent dans cette lutte  ne sont guère intéressés a cette bataille d'ego stérile et contre-productive.

 Comme je l'ai déjá fait dans mes précédentes prises de position, j 'en appelle  à une véritable unité au sein du secteur démocratique, seule planche de salut pour la reprise du pouvoir. On doit en finir avec cette pratique qui veut qu'on s'unisse quand il faut combattre un régime  mais incapable de construire un projet en commun car chaque leader se croit etre le Messie qui ne doit avoir que des disciples.  Compte tenu de ces expériences, j'espère que votre sens de dépassement, de transcendance, vos sentiments patriotiques primeront sur des visées individuelles électoralistes en vue de cette véritable unité qui suppose un bilan de nos actions et notre bataille, une remise en cause de nos stratégies durant ces 5 dernières années ayant abouti sur cet échec. 

Lutter contre le budget 2017-2018, contre la formation d'un CEP permanant taillé sur mesure, contre la formation d'une armée qui s'apparente plutôt à une milice voilà notre combat actuel commun. Nous devons tous nous unir derrière cet objectif qui donnera le signe d'une autre forme d'opposition capable d'attirer les sympathies de la population.  Apprenons de nos erreurs pour construire un mouvement unitaire!

C'est ma conviction! 

Vivre haiti, vivre l'Unité dans notre camp!  

Que le Grand Dieu et nos Loas veillent sur la terre de Dessalines!

Volcy Assad, Coordonateur Gnénéral  OTAN 

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