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Haiti/Culture:- Annulation du Carnaval en Haïti : La conférence des artistes, spectacle de la honte et de l'indignité!

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Port-au-Prince, le Samedi 2 Février 2019
( www.gazettehaiti.com)


Editorial 

 

Il est un secret de polichinelle que la plupart de nos artistes dorment dans le même lit que le parti au pouvoir. Durant tout le mandat de Michel Martelly, ils ne l'ont jamais caché. Beaucoup d'entre eux ont profité des largesses du régime mis en place par les "Tet Kale" où la corruption, la débauche et la bêtise ont atteint un niveau jamais aussi élevé dans notre histoire de peuple.

 

Cela étant dit, le pays ne pouvait pas s'attendre pas à ce que ces artistes prennent position aux côtés des jeunes dans le mouvement "Petrochallenge", en faveur du jugement des dilapidateurs des fonds petrocaribe. On savait aussi qu'ils n'allaient jamais se mouiller les chemises et les maillots dans les récentes manifestations contre la vie chère, la dégringolade de la gourde face au dollar, la corruption, encore moins pour le départ du President Jovenel Moise pour lequel beaucoup ont fait campagne. Cela peut se comprendre. Ca serait se tirer une balle dans le pied car il se dit que plusieurs auraient leur chèque dans certaines institutions de l'Etat. Mais sortis de l'on ne sait de quelle planète après 10 jours de "pays Lock" ayant occasionné l'annulation par le gouvernement du carnaval National pour se présenter devant les caméras de télévision et les flashs de Smartphones à l'heure des réseaux sociaux de manière aussi grotesque pour réclamer l'organisation des festivités carnavalesques dans un contexte de grise socio-politique et économique aussi aiguë est révulsant et n'a d'égal que leur petitesse. Pire, contrairement à la majorité de la population qui estime qu'il y a d'autres priorités dans un pays où des malades meurent chaque jour à l'Hôpital de l'Université d'Etat d'Haiti, communément appelé "l'Hôpital General" faute de matériels médicaux, des professeurs ne sont pas payés, la famine frappe à nos portes, la capitale est plongée dans le Black out total, des communes privées d'eau potable ( Cornillon Grand Bois, par ex), ces artistes ont poussé le bouchon trop loin en ne jurant que par "la thérapie des reins" qui constitue, selon leurs propres dires, leur gagne pain, sous couvert du respect de la tradition culturelle.

Par ce spectacle indécent, notre culture, étant bien plus que la conception que ce groupe d'artistes en font, est ainsi galvaudée et traînée dans la boue par ceux/celles-la même qui sont censés la promouvoir de façon la plus digne qui soit! Ils préfèrent faire danser le peuple dans la misère et la crasse. C'est cette noble mission qu'ils se donnent en tant qu'artistes. "Dansez, bougez vos reins( Gouye), les deux mains en l'air de 4h jusqu'a l'aube, pour oublier que vous n'avez rien dans le ventre, aucune couverture de santé, pas d'électricité, pas d'eau potable, pas d'école, vous rentrerez à pied après avoir passé toute la nuit à "piaffer" car sans moyens pour payer les frais de transports, etc", pourvu que Manze se fasse autant d'argent possible pour s'occuper de ses "Chovis", pour reprendre ses propres déclarations. Quelle violence! Quelle mesquinerie!

Urgence ! Appel à l'aide pour la famille Boukman!

Regarder Lòlò et Manzè de Boukman Experyans, du haut de leur longue et jusque là respectable carrière musicale, pleurnichant, prétextant sans gêne qu'ils subviennent aux besoins de leur famille grâce aux 3 jours gras est la preuve qu'Haiti est clairement atteinte d'une épidémie d" Indignité". Cette "maladie" se propage à un rythme inquiétant et touche depuis un certain temps presque toutes les couches de la société. Très peu de gens qu'on pourrait considérer comme nos élites semblent en etre immunisés et épargnés.

Ti Pay et Fredo, convictions bradées 

Assister aux revirements de nombreux musiciens de la tendance racine, comme Ti Pay et Fredo, chanteurs emblématiques des groupes Rev et Kanpech, (présents eux aussi à la conférence), qui dans le temps dénonçaient les injustices sociales, "se mettaient" aux côtés de la majorité à travers leurs chansons est juste déconcertant. Les temps sont durs. La musique engagée ne nourrit pas ou plus. Il ne reste que "le salut" du ralliement. Les convictions, si toutefois il en existaient vraiment, sont aujourd'hui pendues sous l'hôtel de petits intérêts mesquins. 

Le paradoxal Roody Roodboy

Le cas de ce jeune populaire chanteur, originaire des ghettos est encore plus curieux. Il a été victime récemment avec la mort de sa mère à cause justement du manque d'infrastructures hospitalières publiques adéquates, relatée d'ailleurs dans sa dernière meringue. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, il fait plutôt pression sur l'état pour maintenir la bamboche populaire au lieu d'encourager les autorités à investir les fonds initialement prévus à cet effet dans la construction, par exemple, d'un centre de santé à Cite Militaire, son quartier de naissance afin d'éviter que lui même ou d'autres personnes connaissent le même sort dans le futur. C'était le même scénario l'année dernière. Roody Roodboy avait dénoncé le gaspillage des fonds de l'état dans l'organisation du carnaval pendant que notre premier centre hospitalier est dépourvu d'équipements de soins. Bizarrement il n'était même pas gêné de créer tout un buzz du fait que son nom ne figurait pas sur la liste des groupes sélectionnés par le Comité.

Bas les masques! Séparons le bon grain de l'ivraie!

Nombreux sont ceux qui croient que cette conférence nous permet de voir le vrai visage de certains de ces artistes. Pour eux, ces derniers sont ou ont toujours été dans la posture. Ils prêchaient ou prêchent des messages auxquels eux mêmes ne croient pas. Le cas Lolo- Manzè est beaucoup plus profond. Allez donc regarder l'interview accordé à un journaliste de Tele Caraibes. Leur façon de caricaturer, réduire l'opposition, ainsi que des milliers de manifestants contre la mauvaise gestion du pouvoir à des " Dechoukè" ( casseurs ), contrairement à ce qu'ils veulent faire croire, n'est autre qu'une position politique, réactionnaire exprimée dans la même réthorique que les Défenseurs des " Tet kale". Pour revenir au respect de la tradition évoquée par les deux barons des" Lakous", pourquoi n'était-ce pas aussi nécessaire avec Lavalas en 2004, date coïncidant avec le bicentenaire de l'indépendance ? 

La réaction également de certaines personnalités /leaders d'opinion tant sur le web que dans les médias traditionnels qui refusent de condamner cette sortie honteuse, de qualifier l'inqualifiable , tournant autour du pot soit par lâcheté, par amitié ou esprit de clan, est tout aussi déshonorante. 

Cependant, il faut noter le sentiment d'indignation de beaucoup de gens connus et moins connus qui ne prennent pas de gants pour désapprouver l'attitude de ces artistes et le font savoir publiquement sur les réseaux sociaux. 

Soulignons aussi que d'autres artistes/ membres du secteur, tels que Gazzman couleur, Evens Jean, Richard Senécal, Jhonny Célicourt, Emmanuel Obas ...critiquent sévèrement cette conférence de presse alors que Roberto Martino au nom du groupe T-Vice avait déjà proposé le renvoi des festivités carnavalesques pour les grandes vacances. De son côté, le chanteur de Djakout #1 Pouchon Duvergé ne s'aligne pas sur la position de ses frères musiciens, Shabba et Rolls Lainé " Roro". Sur son compte Twitter, Pouchon ne fait pas dans la langue de bois: 
"Atis Ki pral nan kanaval yo pa blye filme tèt nou pou tout moun k wè fòm figi nou byen..." ( Les artistes qui vont défiler au carnaval, n'oubliez pas de vous filmer afin que tout le monde puisse bien voir votre visage), leur assène-t-il.

Heureusement, dans ce tourbillon de déshonneur, d'abjection, de disparition de valeurs, il reste encore un échantillon de citoyens haïtiens qui font tout pour ne pas se laisser frapper par cette épidémie dévastatrice de l'indignité qui envahit notre pays. 
Et si le régime "Tet Kale" a une vertu, c'est celle de faire tomber les masques petit à petit; ce qui nous permettra de séparer les bons grains de l'ivraie pour la construction d'une Haiti nouvelle.

 

Credit Photos: Ticket Magazine


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