PubGazetteHaiti202005

Un dernier adieu à Gerald Bloncourt au Père-Lachaise à Paris.

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Port-au-prince le 5 Novembre 2018

(www.gazettehaiti.com)

Plus de trois cent personnes ont assisté aux Funérailles de Gérald Bloncourt au Père-Lachaise cet après-midi. De Dany Laferrière à l’Ambassadeur du  Portugal en France, à Frisnel Azor, Ministre Conseiller Chargé du Consulat Général d’Haiti à Paris, de Patrick Bloche Député Honoraire, Maire Adjoint de Paris à Marx Bourjolly, tous étaient là pour un dernier hommage au révolutionnaire haïtien. Haïti évidemment était au Centre de cette inhumation au Père la chaise.PhotoPhotoPhoto

En hommage à Gerald Bloncourt, Gazette Haiti publie un texte de Maguet Delva sur le livre posthume du révolutionnaire haitien: 

Gérald Bloncourt le livre posthume.
Les dernières salves poétiques de M. Bloncourt viennent d’être publiées et c’est un bon résumé du parcours de celui qui se définissait comme un révolutionnaire intégral. Le natif du Bainet en Haïti a laissé une œuvre immense son dernier livre est dans le même genre avec un Bloncourt toujours aussi révolutionnaire aussi révolté aussi déterminé à changer le monde son pays Haiti reçoit ses derniers baisers. Photo

Alors que nous nous apprêtons à accompagner notre camarade Gérald Bloncourt en sa demeure éternelle, ce matin lundi 5 novembre 2018 au cimetière du Père la Chaise, un communiqué des Editions Mémoire D’encrier de notre compatriote Saint Eloi, nous apprend, la sortie de son dernier ouvrage dont le titre ressemble comme deux gouttes d’eau au défunt[1] :« Un homme peau noire, Peau rouge, un homme de toutes les saisons » avec une préface tout en poésie de Yanick Lahens qui campe le colosse de 1946 dans un ultime portrait qui juxtapose des métaphores dont raffolait Gérald.  L’écrivaine haïtienne fait défiler les compagnons de Gérald dans une cadence de portraits plus sympathiques les uns que les autres : «   L’homme qui, de la terrasse de l’hôtel Montana, allume une cigarette pour regarder Port-au-Prince, qui « saigne à mort de tous ses bidonvilles », est celui qui a traversé le siècle pour revenir dans ce lieu où il a appris à exercer l’âme et l’œil.

Avec les bruits, les rires, les voix de la ville, soixante-dix années remontent et submergent Gérald Bloncourt. Tony-Claude de Moyencourt vient à la rencontre de Gérald et ils se confondent, fusionnent dans cette ultime quête de réponse. Parce qu’il y a le temps des horloges et des montres qui s’égrène inexorablement et celui qui nous a planté un arbre.»

Pour celles et ceux qui ont raté Bloncourt de son vivant, ce livre vous permet non seulement de découvrir l’homme de 1946 et ses compagnons mais aussi des idées qui l’habitaient pour lesquelles il s’est battu jusqu’au bout. Lors de son dernier voyage en Haïti avec sa famille la veille, je l’ai eu au téléphone il me disait à brûle-pourpoint dans une formule poétique dont lui seul avait le secret : « je vais voir une dernière fois la baie de Jacmel danser devant moi comme un enfant le jour de l’an »  

Cet ouvrage est un résumé qui reprend l’essentiel de la vie des compagnons de 1946, évidemment Jacques Stephen Alexis. Le martyr est omniprésent mais c’est toujours la poésie disons les métaphores de Gérald qui décrivent Port-au-Prince dans ses réalités. L’œil du journaliste, du photographe, du poète est rassemblé ici dans une dernière salve poétique tout à fait époustouflante : « Le jour se lève. Six heures du matin. L’île de la Gonâve barre l’horizon. Nimbée de brumes.

Port-au-Prince, tuiles, fer-blanc, tôles rouillées à l’infini, saigne à mort de tous ses bidonvilles. Occupe tout l’espace, vu de l’hôtel Montana.

Majestueux, imposant, le bâtiment domine la région.

Il succède à la précédente construction, avalée goudougoudou, en une bouchée, par le tremblement de terre affamé du 12 janvier 2010. »

Et encore Bloncourt parle de Jacques Stephen Alexis et une fois de plus refait l’itinéraire du guérillero haïtien pour mieux cicatriser ses blessures. Le dialogue s’installe entre deux tenants de 1946, la question qui revient de manière récurrente ou est passé l’écrivain, le médecin, le fondateur du parti d’entente populaire (PEP)? On sent bien que Gérald voulait une fois de plus graver dans nos mémoires le disparu : « Et brusquement, sans même attendre la réponse, Tony-Claude change d’attitude, saute à pieds joints dans son passé. Se prend le visage entre les mains. Soixante-dix ans déjà ! La révolte de 1946 ! Il avait vingt ans !

Pourquoi cette question ? Elle sait qu’il le sait. Jacques a débarqué clandestinement en Haïti en avril 1961 et a été assassiné par les sbires de Duvalier avec plusieurs de ses compagnons. Sa dépouille n’a jamais été retrouvée. Nous sommes en 2016. »

Les souvenirs se défilent, Bloncourt comme toujours campe, portraiturer ses compagnons. On sait tout déjà d’eux, disons pour celles et ceux qui fréquentent le révolutionnaire haïtien. Sous la plume de Gérald, Les portraits s’emboîtent allégrement, l’objectif faire émerger un pan entier d’une lutte clandestine contre les tenants du pouvoir, les rôles sont bien repartis mais tout se fait dans une clandestinité car il fallait veiller, la maréchaussée veillait : « Ce copain de René, Baker, a décidé de rejoindre l’organisation avec armes et bagages, c’est-à-dire avec le journal qu’il édite, ayant eu l’autorisation du ministère de l’Intérieur qui régente toutes les publications. Jacques est aux anges.

— C’est l’Iskra de Lénine !

Ce sera La Ruche regroupant les abeilles de la Révolution. L’outil qui permettra de déchouker la dictature. Qui organisera, qui convaincra, qui mobilisera, qui donnera « la ligne » à suivre. »

Se dessine un hommage appuyé à chacun des méritants de 1946, celui de René Depestre est tout éblouissant en assurant la communication du groupe par l’intermédiaire d’une revue où étaient consignés des poèmes révolutionnaires, des revendications de jeunes qui avaient subi d’ailleurs l’assaut du pouvoir en place : « René qui vient de sortir Étincelles, vibrant de poèmes incendiaires, en sera le rédacteur en chef. Baker conservera son titre de directeur. Jacques tirera les ficelles, et Tony-Claude de Moyencourt, l’ombre de Jacques, partageant avec lui jusqu’aux moindres syllabes, sera chargé de rallier les courants artistiques du Centre d’art dont il est un des fondateurs. Toute la jeunesse est en ébullition. Césaire, de la Martinique, est venu mettre le feu à la brousse estudiantine. Durant son séjour, il alimente les braises d’idées novatrices, étincelantes, créatrices. »

Au fil des pages, les récits sont haletants, mâtinées de poésie et Gérald après avoir passé en revue les aléas de la vie des militants de 1946, raconte l’exil les bruits de bottes après la révolution, les révolutionnaires dont Gerald sont pourchassés, arrêtés et expulsés. L’ordre doit être rétabli et la junte qui avait récolté le travail des étudiants de 1946 qui ont mis à bas le régime ségrégationniste de Lescot, ne faisait pas de quartier. Alexis dans un texte nourrit l’espoir que Gerald Revient au pays avec la même flamme, la même détermination et les mêmes étincelles. Son portrait en creux dans cet ultime ouvrage vient de nous rappeler que la lutte pour une vie meilleure dans ce pays a été souvent un combat corps à corps.  Gérald expulsé, il raconte la traversée, les rencontres, le contexte politique, les dockers qui l’ont accueilli : « La Martinique ! Desportes, Fourneuf, Suvelor, Dervain, Glissant. Tous, des frères. Qui l’entourent. Le portent. Le mènent à travers l’île. Organisent des meetings. Le noient de poésie, l’inondent de surréalisme. Il est hébergé par le docteur Rose-Rosette, qui vit avec sa compagne, et son fils d’un premier mariage. Césaire s’occupe d’obtenir son autorisation de rentrer en France. Tony-Claude n’a plus aucun papier d’identité. Deux mois plus tard, il embarque sur le San-Mateo. Bananier-bourlingueur épuisé, ayant rouillé sa coque dans les roulis de l’Atlantique. C’est son dernier grand voyage avant de partir à la casse, pour y mourir, désarticulé, dans un quelconque chantier sous l’oxyacétynélique morsure de chalumeaux inextinguibles. Il se retrouve parmi les bagnards libérés par De Gaulle, et des étudiants, boursiers, Martiniquais et Guadeloupéens.

On affronte un cyclone aux Açores.

La traversée dure dix-sept jours. Débarquement au Havre.

Je peux rompre désormais le silence et hurler à la lune, pourquoi pas ? – et sans doute à elle seule – les déceptions, les sanglots refoulés, les grincements de dents... Je peux, enfin libre de ce cauchemar de la dictature haïtienne, tenter de dire à ceux qui restent, à ceux qui viennent et qui viendront, le calvaire des contradictions vécues. »     

 
Maguet Delva 
Paris, le 5 novembre 2018

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