Séisme du 14 août 2021: un an après, les plaies sont toujours béantes 

Il y a un an, le grand Sud était frappé par un puissant séisme de magnitude 7.2. La secousse a été ressentie dans tout le pays. Toutefois, les dégâts considérables ont été concentrés dans les quatre départements du sud du pays. 12 mois après, les plaies sont toujours béantes. Les cicatrices sont là. Les sinistrés peinent à être alimentés en assistance humanitaire en raison de la région coupée du reste du pays à cause des bandits armés.

Il était à peine 8h 30 du matin quand la terre s’est mise à trembler le 14 août dernier. En quelques secondes, les Haïtiens ont été replongés dans le cauchemar de 2010, quand la capitale avait été ravagée par un puissant séisme tuant au passage au moins 300 000 personnes.

Si la force du tremblement de terre de l’an dernier était plus grande que celui de la précédente décennie, le bilan a été moindre. La région affectée n’est pas densément peuplée que Port-au-Prince. Plus de 2 200 personnes ont perdu la vie et plus de 130 000 logements ont été détruits.

Ce jour-là, le 14 août 2021, Marie, alors âgé de 24 ans, se trouvait dans un établissement aux Cayes en compagnie de quelques amis avec lesquels elle préparait un concours pour obtenir une place à la cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA).

Puis, bizarrement, ça a tremblé. « Sur le coup, je n’ai pas réalisé que c’était un tremblement de terre. Les bâtiments commençaient à plonger. Le bâtiment dans lequel j’étais est tombé (partiellement) », se remémore-t-elle en entrevue téléphonique à Gazette Haiti News.

Alors que ses amis couraient partout, elle était restée sur place, comme figée par la frayeur. « Quand j’ai fini par réaliser (ce qui se passait), l’endroit où j’étais était rempli de gravats », rendant difficile toute possibilité de se mouvoir. Elle a dû attendre que « ça passe complètement » avant de sortir du bâtiment qui « était effondré à moitié ».

Comme ses amis, Marie en est sortie indemne, une chance que n’ont pas eue plus de 2 000 autres Haïtiens dont la vie a été foudroyée par le séisme. Saine et sauve, mais, un an plus tard, ses plaies sont restées béantes et elle a du mal à oublier ce drame.

Des dizaines de milliers de maisons ont été effondrées. Celle de Plaisimond Milaure, résidente des Cayes, est l'une des maisons détruites ou rendues inhabitables dans trois départements du sud d'Haïti. Depuis un an, elle vit sous une tente à l'extérieur de la ville des Cayes, sur un site de rassemblement.

« Lorsque le tremblement de terre a frappé, je n'avais aucune idée de ce qui arrivait car je n'avais jamais vécu quelque chose d'aussi fort et dramatique auparavant. Je pensais que c'était un acte de Dieu et j'étais terrifiée. Toute ma maison tremblait, je me suis précipitée dehors avec ma fille pour voir ce qui se passait et j'ai réalisé que c'était une secousse provenant de l’intérieur de la terre. Une partie de ma maison s'est effondrée et de grandes fissures sont apparues dans ses murs en parpaings », se remémore Milaure dans une entrevue accordée aux Nations- unies.

La nouvelle vie de Milaure n’a rien à voir avec son ancienne vie. Elle est contrainte de rester cloîtrée avec des proches sur ce site. La vie ne lui sourit visiblement pas.

« La vie ici est dure car nous vivons à deux ou trois personnes dans de petits abris faits de bâches en plastique. Il fait chaud car il n'y a pas d'arbres et quand il pleut, c'est très boueux. Il n'y a pas grand-chose à manger, mais nous continuons à nous occuper les uns des autres et à partager le peu de nourriture que nous avons », confie-t-elle.

Toujours coupé du reste du pays

Dans le grand Sud, les produits pétroliers et alimentaires sont de plus en plus rares. L’aide aux sinistrés, un an après, reste et demeure difficile. L’unique route menant au Sud, Martissant, est contrôlée par les gangs. Les exactions des bandits armés ont drastiquement handicapé la circulation vers les régions affectées.

Pour fuir les balles assassines à Martissant, les habitants doivent prendre les montagnes pour se frayer un chemin à Tara’s, Ti Kajou ou Saint-Jude au risque d’être kidnappés, rançonnés ou tout simplement tués. L’ex sénateur et directeur de l’EPPLS, Yvon Buissereth en a fais les frais. Le week-end dernier, il a été assassiné et brûlé vif par le gang de « Ti Makak » à Laboule 12 au moment de se rendre dans le sud. 

Ariel Henry s’en souvient 

Sur Twitter, le premier ministre Ariel Henry n’a pas passé sous silence ce premier triste anniversaire du tremblement de terre du 14 août.  « j’invite tous nos compatriotes à se recueillir en ce jour qui fait affluer dans notre mémoire des souvenirs tortueux et macabres », a écrit le premier ministre sur son compte officiel.

Ariel Henry encourage tout le monde « à la réflexion, à la solidarité en continuant à manifester ce même élan de vivre-ensemble, face à cette douleur et à cette épreuve qui bouleversent encore le quotidien de nos sœurs et frères de la Presqu’île du Sud. »

Le titulaire de la Primature rappelle que son gouvernement a élaboré le Plan de relèvement et de reconstruction du grand Sud, « conformément aux normes d'urbanisation et d’aménagement du territoire cadrant avec les Objectifs de développement durable à l'horizon de 2030 »

« Mes pensées vont envers Haïti à l'occasion de l'anniversaire du tragique tremblement de terre de l'année dernière. Les États-Unis restent un partenaire inébranlable du peuple haïtien en cette période difficile », a déclaré Brian Nichols, le secrétaire d’Etat adjoint américain pour les affaires de l’hémisphère occidentale du Département d'Etat.

Le 4 septembre 2021, la protection civile avait révélé dans son dernier Rapport de Situation détaillé que le séisme majeur de magnitude 7,2 qui a frappé la péninsule du Sud le 14 août 2021 a fait : 2,248 morts, 12,763 blessés, 329 disparus, 53,815 maisons détruites et 83,770 autres endommagées. 

Sud : 9,158 blessés, 300 disparus, 1,852 morts, 42,889 maisons endommagées, 30,717 maisons détruites. Grand'Anse : 1,696 blessés, 29 disparus, 227 morts, 25,892 maisons endommagées, 8,648 maisons détruites. Nippes : 1,909 blessés, 0 disparus, 167 morts, 14,989 maisons endommagées, 14,450 maisons détruites.

Par: Daniel Zéphyr