PubGazetteHaiti202005

Haiti/Culture:- << MUR MEDITERRANNEE >> DE LOUIS PHILIPPE DALEMBERT EDITEUR : SABINE WESPIESER, 2019 Un roman pour crier au monde, la détresse des migrants.

Photo

Port-au-Prince, le 6 Septembre 2019
(www.gazettehaiti.com)

 

Aucun doute, Louis Philippe Dalembert vient d'écrire le grand roman de la migration. S'appuyant sur des références historiques et géopolitiques, il décrit avec forces détails, le calvaire enduré par les candidats à l’immigration, notamment celui de trois femmes au courage exceptionnel 
   
Chochana la Nigériane
 Semhar l’Érythréenne
 Dima la Syrienne.
 
Ces trois personnages féminins en proie à toutes sortes de problèmes de survie, constituent la quintessence de ce roman qui se déroule en Méditerranée où elles essaient avec force , courage et abnégation de s’accommoder à leur nouvelle vie. Dans le dernier roman de Dalembert le phénomène de l’exil est omniprésent, en effet il pousse, au hasard des routes, des personnes qui, excédées par des conditions de vie difficiles dans leur pays d'origine optent pour l’exil, espérant une vie meilleure. Hommes, femmes et enfants se jettent sur des rafiots en direction des côtes méditerranéennes, et qu'importe  les écueils, le danger, ils s'y sont psychologiquement préparés à le braver. A travers le récit de Dalembert, les noms de certaines villes vous seront dorénavant familières, telles celles de Lampedusa, Alerp etc. 

« Mer Méditerranée » est le dixième roman de notre compatriote, sans doute l'un des meilleurs car basé sur un phénomène des plus décriés à savoir la crise migratoire. Sait-on réellement ce qui se passe en Méditerranée avec les migrants ? La déflagration géopolitique provoquée en Libye a plongé, d'une manière instantanée, tout un continent dans la tourmente avec des conséquences incalculables pour ces hommes, femmes et enfants qui se jettent en toute connaissance dans cette aventure périlleuse. Nous ne sommes qu'aux premiers balbutiements de ce drame humanitaire dont on n’est pas prêt de voir l’épilogue. Le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations-Unies (HCR) a communiqué des chiffres catastrophiques relatifs à la migration qui malheureusement laissent indifférents les Européens. Ils passent plutôt leur temps à se chamailler à discuter des détails qui n’en valent pas la peine quand des vies humaines sont tous les jours mises en danger. Que de controverses à n’en plus finir sur la nécessité ou non d’accueillir ces migrants dont ils parlent sans cesse, sans pour autant les avoir vus. Ne soyez pas étonnés, nous sommes et vivons au gré des humeurs de la mondialisation. Selon un rapport du HCR, un organisme spécialisé de l'ONU, trente-deux mille migrants ont péri en mer 2018, en tentant d'atteindre les côtes européennes depuis le début de cette tragédie. Dans ce « business » il faut bien le relever, car le problème migratoire a vu l'émergence d’une classe « d’entrepreneurs" d'un tout autre genre comprenant : Les passeurs, les Esclavagistes, voleurs etc… Et les migrants, nouveaux damnés de la terre sont victimes de ce commerce lucratif, objets de toutes sortes de brutalités inimaginables des passeurs qui les spolient du peu de fortune qu'ils ont sur eux pour ensuite les revendre à de vrais trafiquants sans scrupules aujourd'hui dans une Libye en pleine déconfiture. Dans certaines villes Libyennes, l'esclavage le plus révoltant est de retour, des migrants retenus contre leur gré sont vendus aux enchères devant des caméras. Ces traitements indignes et indigestes n’entament absolument en rien, leur détermination pour l’exil, leur devise serait plutôt : « Mourir en mer que vivre l'enfer de mon pays ». Dalembert, avec la minutie qui le caractérise raconte dans les moindres détails toutes les tragédies liées à la migration et dont les médias se font l’écho.
 
UN ROMAN CHORAL

 Dans ce roman, l’auteur raconte de manière succincte et poignante, l’itinéraire des candidats à l’exil en général et particulièrement celui de trois femmes. Si pour la rentrée 2019, de nombreux romanciers ont planché sur le thème des migrants, il faut relever que le même terme traité par Dalembert est très documenté et prêt à être adapté au cinéma. Faut dire qu'il a du métier, on se souvient avec bonheur de ses publications : roman de cuba année 1993« Avant que les ombres s’effacent, 2017. »


 « Mer Méditerranée » un voyage au bout de l’enfer, de déshumanisation de l’être dans cette partie du monde où le destin des migrants saigne.  Pour étayer et bâtir son argumentaire, l'auteur s'est inspiré d'une chanson de l'orchestre haïtien « ‪Magnum band‬ » très connu du public et qui illustre parfaitement le drame qui se déroule en Méditerranée, mettant en exergue ces tragédies. Dalembert a sans aucun doute pensé à ses compatriotes qui, dans les années 1980, ont bravé eux aussi les courants de l'Océan Atlantique pour rejoindre les côtes de Miami et qui ont malheureusement fini leur voyage dans les ventres des requins ou alors se sont retrouvés parqués dans des camps où les scientifiques américains, les considérant comme des cobayes  se livraient à toutes sortes d'expériences médicales et scientifiques sur leurs corps.
 « Ils ont vendu le peu qu’ils possédaient
Pour venir chercher une vie meilleure.
 A l’arrivée, on les a jetés en prison.
Certains ne sont d’ailleurs pas arrivés
Les requins le sont dévorés en route
Des tempêtes les ont surpris en mer »
 
L'auteur semble plus proche du vécu des migrants que d'autres auteurs qui ont abordé le même thème, au total plus d'une douzaine de romans traitant de ce sujet, chacun à sa guise, notamment la Française Marie Darrieussecq, sélectionnée par le supplément littéraire du journal le Monde. C’est un sujet très porteur en cette année 2019 et Dalembert qui, concerné et interpellé par la crise humanitaire qui chaque jour prend de l'ampleur dans la Méditerranée n’a pu résister aux souffrances de ces êtres dont le destin est plus qu’incertain, sensible. Cet héritier de la révolution haïtienne de 1803 dont chaque roman est un bouleversant témoignage de fraternité et d'humanisme s'est sans retenue épanché sur le phénomène migratoire afin de marquer les consciences, et que les décideurs ne trouvent le sommeil tant que persistera ce problème récurrent. Dalembert n’en finit pas de nous décrire ces scènes fascinantes surtout lorsqu'il parle de l’entêtement de ces femmes candidates au départ, pour mieux démontrer que leur projet de prendre la mer n'est pas exclusivement lié à la pauvreté, mais à d'autres causes, d'ailleurs n'est pas candidat au départ qui veut.

Maguet DELVA 

Politique

Culture

Economie

Sport