PubGazetteHaiti202005

Haïti-Justice : avec le décret du 19 juin 2020, le gouvernement libère des individus condamnés à de lourdes peines ; L’OPC tire la sonnette d’alarme

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Depuis sa publication dans le journal le moniteur, le décret du 19 juin 2020 donnant grâce pleine et entière à 415 prisonniers, continue de faire couler beaucoup d’encre. Dans un communiqué de presse publié ce lundi 29 juin 2020, l’Office de la Protection du Citoyen (OPC) a dénoncé le manque de transparence dans la préparation de cette liste et le fait que des individus condamnés à de lourdes peines figurent sur la liste des personnes libérées.

Dans ce communiqué de presse, l’OPC exhorte les autorités étatiques, au-delà des discours répétés, à signifier leur bonne foi à la lutte contre l'impunité, phénomène qui ne cesse de prendre des proportions très alarmantes au quotidien.

À cet effet, l’OPC dit croire qu’il y a lieu de noter le décret présidentiel en date du 19 juin 2020 donnant grâce pleine et entière à 415 prisonniers.

« Des recherches menées par l'OPC confirment que sur cette liste préparée par des pêcheurs en eau trouble" en dehors de toute transparence (sans l'implication des parties prenantes) et soumise malheureusement au Chef de l'État, figurent des prisonniers malades qui avaient déjà purgé leur peine mais aussi des individus condamnés à de lourdes peines pour enlèvement et séquestration, viol, assassinats mais qui sont graciés après seulement quelques années d'emprisonnement. Ce, au mépris des droits des victimes », a écrit l’organisme de défense des droits humains dans ce communiqué avant de citer, à titre d’exemple les cas de :
 -Iclaunel PIERRE, condamné en septembre 2015 pour viol à 12 ans de prison Dimanche Marie Hélène, condamnée pour enlèvement et séquestration en 2013 à 15 ans de prison 
-Présumé Marie Claudelle, condamnée en 2009 pour assassinat à perpétuité prison
-Séjour Rémy, condamné pour assassinat le 31 juillet 2018 à 7 ans de prison
-Fanfan Aramy, condamné pour vol à main armée le 29 janvier 2020 à 5 ans de prison
-Laurent Hugues Hérard, condamné pour tentative d'assassinat en mars 2013 à 15 ans de prison
-Joseph Jocelin, condamné pour assassinat en 2014 à 15 ans de prison o Joseph Jean Nabeau, condamné pour assassinat en 2014 à 15 ans de prison
-Harrison Domond dit Hougan Jean Marie, condamné pour assassinat en 2014 à 10 ans de prison

Plus loin, l’OPC dit constater que, les crimes, les assassinats sont à la hausse.
« Les cas les plus révoltants pour le mois de juin sont celui du policier Joseph Larousse criblé de balles le 10 juin à Shadda (quartier situé à l'entrée Est du centre-ville du Cap-Haïtien), du Substitut commissaire, Me Fritz Gérald CERISIER, tué le 19 juin, l'assassinat crapuleux des époux Farah Martine LEONARD et Lavoisier LAMOTHE le 15 juin, la mort violente des deux jeunes artistes-danseurs, Nancy DORLEANS (25 ans) et Sébastien PETIT (20 ans), dont leurs corps ont été retrouvés carbonisés à Tabarre dans la journée du vendredi 26 juin 2020 sans oublier l'assassinat de Monsieur Norvella BELLAMY, fonctionnaire à la Banque de la République d'Haïti (BRH), ainsi que sa compagne Daphney FILS-AIME, dans la soirée du 27 juin à Delmas 75 » a énuméré l’OPC dans ce communiqué portant la signature du protecteur du citoyen, Renand Hédouville, arguant que « quand l'Etat ne protège pas ses citoyens des atteintes commises par d'autres, il partage avec leurs auteurs la responsabilité des torts infligés ».

« Les autorités, responsables de la sécurité, de la justice multiplient des déclarations et les bandits opèrent au grand jour, défilent dans plusieurs zones, se regroupent et se renforcent. Qui plus est, ceux qui sont clairement identifiés dans des exactions sont restés impunis et attendent peut-être le moment opportun pour rebondir (le cas du Juge de paix Ricot Vrigneau impliqué dans l'affaire Patrick Benoit, toujours dans le système judiciaire) », a poursuivi l’OPC rappelant qu'aucune société ne peut se construire sur l'oubli et l'impunité est une entrave à l'épanouissement des droits humains. Le droit à la justice et à la réparation est intimement lié à la démocratie et à la construction d'un Etat de Droit.
 
Par ailleurs, concernant le dossier d’Emmanuelle Constant, ancien chef du corps paramilitaire Front pour l'Avancement et le Progrès d'Haïti (FRAPH), déporté en Haïti depuis le 23 juin 2020 dernier, l’Office de la Protection du Citoyen dit voir dans cette déportation, une occasion pour les autorités haïtiennes de prouver leur volonté de combattre l'impunité et la violence dans le pays.

Alors que depuis sa déportation le dossier d'Emmanuel Constant a refait surface et des commentateurs analysent la question sous l'angle juridique, pour certains, Emmanuel Constant « est un homme libre ». Donc, il n'y a pas lieu de le poursuivre car il y a prescription, cependant pour l'Office de la Protection du Citoyen, en sa qualité d'Institution Nationale des Droits de l'Homme et conformément à sa mission de veiller au respect par l'État de ses engagements en matière de droits humains, les cas d'assassinat, de viol, de disparition, d'exécution, de tortures, classés sous le label de crimes contre l'humanité au regard des Statuts de Rome et de la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité sont imprescriptibles. Leurs auteurs peuvent être jugés n'importe où et n'importe quand.

De plus, au regard de la loi sur la réforme judiciaire adoptée en août 1998 « les crimes et délits commis durant la période allant du 30 septembre 1991 au 15 octobre 1994 sont et demeurent imprescriptibles, a précisé l’OPC.

Selon l’ Office de la protection du citoyen, le retour d'Emmanuel Constant, à bien analyser, offre l'occasion aux autorités haïtiennes de prouver leur volonté de combattre l'impunité car tout se joue pour le moment au niveau du Parquet des Gonaïves, composé, on doit le noter, de représentants de l'Éxécutif. Au-delà des discours répétés, les autorités étatiques doivent signifier leur bonne foi à la lutte contre l'impunité, phénomène qui ne cesse de prendre des proportions très alarmantes au quotidien.

En somme, l'OPC encourage les plus hautes autorités étatiques à faire de la question des droits humains particulièrement le volet de lutte contre l'impunité une véritable priorité, à travailler avec les ONGs des droits humains et tous les autres secteurs intéressés à la problématique des droits humains dans le cadre de l'éradication de la violence en Haïti.

 

 

Kervens Adam PAUL

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